Niépce correspondance et papiers

1104 C ORRESPONDANCE ET PAPIERS science sur la lumière et sur l’optique, et sera une révolution dans les arts du dessin. M. Daguerre a trouvé le moyen de fixer les images qui viennent se peindre sur le fond d’une chambre obscure ; de telle sorte que ces images ne sont plus le reflet passager des objets, mais leur empreinte fixe et durable, pouvant se transporter hors de la présence de ces objets comme un tableau et une estampe. Que l’on se figure la fidélité de l’image de la nature reproduite par la chambre noire et qu’on y joigne un travail des rayons solaires qui fixe cette image, avec toutes ses nuances de jours, d’ombres, de demi-teintes, et on aura une idée des beaux dessins que M. Daguerre a exposés à notre curiosité. Ce n’est point sur du papier que peut opérer M. Daguerre ; il lui faut des plaques de métal poli. C’est sur le cuivre que nous avons vu plusieurs points des boulevards, le pont Marie et ses environs et une foule d’autres sites rendus avec une vérité que la nature seule peut donner à ses œuvres. M. Daguerre vous montre la pièce de cuivre nue, il la place devant vous dans son appareil, et au bout de trois minutes, s’il fait un soleil d’été, de quelques unes de plus si l’automne ou l’hiver affaiblissent la force des rayons solaires, il retire le métal et vous le montre couvert d’un dessin ravissant qui repré- sente l’objet vers lequel l’appareil avait été dirigé. Il ne s’agit plus que d’une courte opéra- tion matérielle de lavage, je crois, et voici que le point de vue qui a été conquis en si peu de momens reste invariablement fixé et que le soleil le plus ardent ne peut plus rien pour détruire. MM. Arago, Biot et Humboldt ont constaté l’authenticité de cette découverte, qui a excité leur admiration et M. Arago la fera connaître à l’Académie des sciences sous peu de jours 1 . Voulez-vous d’autres détails ? En voici encore quelques uns. La nature en mouvement ne peut pas se reproduire, ou ne le pourrait du moins que très difficilement par le procédé en question. Dans une des vues du boulevard dont j’ai parlé, il est arrivé que tout ce qui marchait ou agissait n’a pas pris place dans le dessin ; de deux chevaux de fiacre en station, un a malheureusement remué la tête pendant la courte opération ; l’animal est sans tête dans le dessin. Les arbres se rendent très bien ; mais leur couleur, à ce qu’il paraît, met obstacle à ce que les rayons solaires les reproduisent aussi vite que les maisons et autres objets d’une couleur différente. Cela fait une difficulté pour le paysage, parce qu’il y a un point fixe de perfection pour les arbres et la couleur verte ; un autre pour tout ce tient aux couleurs qui ne sont pas vertes. Il en résulte, en effet, que lorsque les maisons sont ache- vées, les arbres ne le sont pas, et que lorsque les arbres le sont, les maisons sont trop finies. La nature morte, l’architecture, voilà le triomphe de l’appareil que M. Daguerre veut appeler de son nom le Daguerotype . Une araignée morte, vue au microscope solaire, est d’un tel fini de détail dans le dessin, que l’on pourrait en étudier l’anatomie sans loupe comme sur la nature elle-même ; pas une fibre, pas un vaisseau, si ténu qu’il soit, qu’on ne puisse suivre et examiner. Voyageurs, vous pourrez bientôt, peut-être, moyennant quelques centaines de francs, acquérir l’appareil inventé par M. Daguerre, et vous pourrez rappor- ter en France les plus beaux monumens, les plus beaux sites du monde entier. Vous verrez combien vos crayons et vos pinceaux sont loin de la vérité du Daguerotype. Que le dessi- nateur et le peintre ne se désespèrent cependant pas ; les résultats de M. Daguerre sont autre chose que leur travail et dans bien des cas ne peuvent le remplacer. Si je voulais trouver quelque ressemblance d’effets rendus par le nouveau procédé, je 1833 1839 1 De l’été 1833 jusqu’à l’automne 1839 1. Le lendemain, 7 janvier (v. 597).

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