Niépce correspondance et papiers
1106 C ORRESPONDANCE ET PAPIERS Les principaux produits de ses nouveaux procédés que M. Daguerre a mis sous les yeux de trois membres de l’Académie, MM. de Humboldt, Biot et Arago, sont une vue de la grande galerie qui joint le Louvre aux Tuileries ; une vue de la Cité et des tours de Notre- Dame ; des vues de la Seine et de plusieurs de ses ponts, des vues de quelques-unes des bar- rières de la capitale. Tous ces tableaux supportent l’examen à la loupe, sans rien perdre de leur pureté, du moins pour les objets qui étaient immobiles pendant que leurs images s’en- gendraient. Le temps nécessaire à l’exécution d’une vue, quand on veut arriver à de grandes vigueurs de ton, varie avec l’intensité de la lumière et, dès-lors, avec l’heure du jour et avec la saison. En été et en plein midi, huit à dix minutes suffisent. Dans d’autres climats, en Égypte, par exemple, on pourrait probablement se borner à deux ou trois minutes. Le procédé de M. Daguerre n’a pas seulement exigé la découverte d’une substance plus sensible à l’action de la lumière que toutes celles dont les physiciens et les chimistes se sont déjà occupés. Il a fallu trouver encore le moyen de lui enlever à volonté cette pro- priété ; c’est ce que M. Daguerre a fait : ses dessins, quand il les a terminés, peuvent être exposés en plein soleil sans en recevoir aucune altération. L’extrême sensibilité de la préparation dont M. Daguerre fait usage, ne constitue pas le seul caractère par lequel sa découverte diffère des essais imparfaits auxquels on s’était jadis livré pour dessiner des silhouettes sur une couche de chlorure d’argent. Ce sel est blanc, la lumière le noircit, la partie blanche des images passe donc au noir, tandis que les portions noires, au contraire, restent blanches. Sur, les écrans de M. Daguerre, le dessin et l’objet sont tout pareils : le blanc correspond au blanc, les demi-teintes aux demi-teintes, le noir au noir. M. Arago a essayé de faire ressortir tout ce que l’invention de M. Daguerre offrira de ressources aux voyageurs, tout ce qu’en pourront tirer aujourd’hui, surtout, les sociétés savantes et les simples particuliers qui s’occupent avec tant de zèle de la représentation gra- phique des monuments d’architecture répandus dans les diverses parties du royaume. La facilité et l’exactitude qui résulteront des nouveaux procédés, loin de nuire à la classe si intéressante des dessinateurs, leur procurera un surcroît d’occupation. Ils travailleront cer- tainement moins en plein air, mais beaucoup plus dans leurs ateliers. Le nouveau réactif semble aussi devoir fournir aux physiciens et aux astronomes des moyens d’investigation très précieux. A la demande des Académiciens déjà cités, M. Daguerre a jeté l’image de la lune, formée au foyer d’une médiocre lentille, sur un de ses écrans, et elle y a laissé une empreinte blanche évidente. En faisant jadis une semblable expérience avec le chlorure d’argent, une commission de l’Académie composée de MM. Laplace, Malus et Arago, n’obtint aucun effet appréciable. Peut-être l’exposition à la lumière ne fut-elle pas assez prolongée. En tout cas, M. Daguerre aura été le premier à pro- duire une modification chimique sensible à l’aide des rayons lumineux de notre satellite. L’invention de M. Daguerre est le fruit d’un travail assidu de plusieurs années, pen- dant lesquelles il a eu pour collaborateur son ami, feu M. Niepce, de Châlons-sur-Saône. En cherchant comment il pourrait être dédommagé de ses peines et de ses dépenses, ce peintre distingué n’a pas tardé à reconnaître qu’un brevet d’invention ne le conduirait pas au but : une fois dévoilés, ses procédés seraient à la disposition de tout le monde. Il semble donc indispensable que le gouvernement dédommage directement M. Daguerre et que la France, ensuite, dote noblement le monde entier d’une découverte qui peut tant contribuer aux progrès des arts et des sciences. M. Arago annonce qu’il adressera à ce sujet une demande 1833 1839 De l’été 1833 jusqu’à l’automne 1839
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