Niépce correspondance et papiers
N IEPCE 1111 M. Talbot a dû être bien mal informé de l’état des choses, puisqu’il ne parle dans sa lettre que d’une invention annoncée. M. Daguerre a fait infiniment plus qu’annoncer sa découverte ; il en a montré les produits à tout le monde : Français, Anglais, Allemands, Italiens, Russes, se trouvaient journellement réunis dans son cabinet, et confondaient franchement, sans réserve, les témoignages de leur admiration. Complétement initié à tous les détails de la nouvelle méthode, M. Arago s’est assuré, en faisant une vue du boulevart du Temple, qu’il n’est nullement nécessaire d’être peintre ou dessinateur pour réussir aussi bien que M. Daguerre lui-même. Examinée à la loupe, cette vue offrait des objets, tels que des tiges de paratonnerres très éloignés, reproduits avec une incroyable netteté, et dont l’œil ne soupçonnait pas l’existence. Le trait par lequel la méthode Daguerre se distingue principalement de la méthode Niépce, c’est la promptitude. Les objets sont dessinés avant que les ombres aient eu le temps de se déplacer. Les demi-teintes, toutes les circonstances de la perspective aérienne se trouvent reproduites avec un degré de vérité et de finesse dont l’art du dessin ne sem- blait pas susceptible. M. Arago ne doute pas qu’on ne parvienne à former une image exac- tement nuancée de la pleine lune, si l’on adapte la plaque imprégnée de la nouvelle sub- stance à la lunette, conduite par une horloge, d’une machine parallactique. “ A la suite de la communication précédente de M. Arago, M. Biot dit qu’il a aussi reçu de M. Talbot une lettre absolument pareille ; qu’il a pensé que ce savant n’avait pro- bablement pas une connaissance complète des circonstances à la suite desquelles la décou- verte de M. Daguerre a reçu sa publicité actuelle ; et qu’il a cru essentiel de les lui expli- quer dans les termes suivants : “ Monsieur, Je reçois, à l’instant, la lettre que vous me faites l’honneur de m’écrire, pour me faire connaitre l’intention où vous êtes d’adresser prochainement à l’Académie des Sciences, une réclamation formelle de priorité, relative à l’invention annoncée par M. Daguerre. Vous me rendrez, sans doute, la justice de croire que je ne voudrais pas hasarder d’avance, une opinion préconçue sur un sujet aussi délicat. Mais je dois, dans l’intérêt de la vérité, vous prévenir, au cas où vous l’ignoreriez, que les amis de M. Daguerre savent qu’il s’est occupé constamment de cette recherche depuis plus de quatorze ans ; et je puis attester qu’il m’en a parlé il y a plusieurs années. Il a même conservé, et nous a montré, une foule de résultats plus ou moins heureux, qu’il avait obtenus par divers procédés, avant d’arriver à celui qu’il emploie maintenant, et dont les effets font l’admiration de tous nos artistes par leur perfection et leur délicatesse. Il a aussi eu la bonté de me confier une multitude de faits physiques extrêmement intéressants pour la science, que ce procédé lui a fait découvrir; et il a bien voulu, à ma prière, réaliser, par le même moyen, plusieurs expériences de recherche qui me semblent avoir une grande importance théorique. Enfin, il a communiqué son secret tout entier à M. Arago, que vous savez, aussi bien que moi, avoir un esprit trop étendu et trop généreux, pour se laisser prévenir par les préjugés de nationalité. Je m’empresse, Monsieur, de vous adresser cette déclaration, pour que vous puissiez apprécier, par vous-même, les faits qu’elle renferme. Je la devais autant à l’estime que m’ont inspirée vos précédents travaux sur l’optique, qu’à la confiance que vous voulez bien me témoigner. J’ai l’honneur d’être , etc. Paris, le 31 janvier 1839. ” 599 1833 1839
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