Niépce correspondance et papiers

1128 C ORRESPONDANCE ET PAPIERS plus vive, et à les laisser tout à fait blanches ; à s’affecter moins où la lumière est moindre, en y laissant un ton moins clair ; et enfin à se maintenir intacte et noire dans les parties complétement ombrées. Après quoi, ces nuances étant produites sur le fond du tableau, l’emploi de quelque procédé, physique ou chimique, arrête le progrès des modifications que la substance sensible éprouvait, ou la transforme en une matière non impressionnable ; de sorte que l’image formée sous l’influence de la radiation se trouve fixée avec toute sa pureté optique, sans aucune intervention de l’art. La chimie a depuis longtemps découvert des préparations qui s’impressionnent ainsi diversement quand elles sont exposées au soleil ou même seulement au grand jour. Tout le monde a pu remarquer les changements que cette exposition prolongée produit dans la plu- part des matières colorantes, employées pour la teinture. L’étude des modifications chi- miques ou physiques qu’elles éprouvent alors, a été le sujet de beaucoup d’expériences par lesquelles on a constaté l’inégale aptitude des diverses parties de la radiation pour déter- miner ces phénomènes, dans des cas divers, selon l’espèce de substances impressionnées, et selon la nature du milieu qui les environne. On a reconnu par là que ce genre d’action a une très-grande influence sur plusieurs fonctions essentielles de la vie végétale ou animale. En nous bornant ici à considérer les préparations chimiques, celles où ces modifications sont les plus marquées, surtout les plus rapides, sont généralement des combinaisons du chlore, de l’iode, du brome, du cyanogène ; et les effets observés consistent, soit dans la décomposition totale ou partielle de ces combinaisons sous l’influence de la radiation à laquelle on les présente, soit dans la formation d’un nouveau composé qui s’opère sous la même influence, et qui s’opérerait beaucoup moins vite dans l’obscurité, ou même ne s’y produirait pas. Je citerai seulement comme exemples le chlorure d’argent qui, d’abord blanc dans l’obscurité, se colore ensuite en violet, puis noircit quand il est exposé à la radiation même diffuse ; le bromure d’argent qui, d’abord jaune, devient ainsi vert, puis presque noir ; le bleu de Prusse qui, d’après une expérience de M. Chevreuil [sic], perd du cyano- gène au soleil, dans le vide, et blanchit, puis reprend de l’oxygène dans l’obscurité et rede- vient bleu ; enfin le mélange du chlore avec l’hydrogène, qui étant renfermés ensemble dans l’obscurité à l’état gazeux, restent désunis, mais se combinent lentement à la lumière diffuse du jour, et s’unissent instantanément avec une explosion violente sous l’influence de la radiation solaire ; formant alors un acide d’une grande énergie appelé l’acide hydro- chlorique, qui se combine ensuite avec les bases salifiables sans laisser séparer les éléments. Je viens de définir ces résultats d’après leurs caractères apparents, quand j’ai dit qu’ils sont déterminés par l’action de la lumière. Mais ce que nous appelons lumière est un prin- cipe composé de parties diverses, comme on s’en assure en brisant par le prisme un trait délié de lumière solaire introduit seul dans l’obscurité. Car ce rayon qui, jeté directement sur une toile blanche, ou reçu immédiatement dans nos yeux, produit la sensation de blan- cheur, étant ainsi réfracté par le prisme s’y décompose et s’y disperse en une image lumi- neuse que l’on appelle le spectre, et qui est allongée dans le sens de la réfraction. Ceci prouve d’abord que le rayon contient primitivement des parties spécifiquement diverses, puisque tombant sur le prisme toutes ensemble, dans des conditions d’incidence iden- tiques, elles éprouvent des déviations inégales en le traversant. Puis, chacune de ces par- ties, étant étudiée isolément des autres, ne produit plus dans l’œil, ou sur la toile, la sen- sation du blanc, mais celle d’une certaine couleur spéciale dont on peut employer le nom pour la définir. On distingue ainsi dans le rayon blanc total, des rayons rouges, orangés, jaunes, verts, bleus, indigos, violets, ce qui exprime seulement l’espèce de sensation qu’ils 1833 1839 De l’été 1833 jusqu’à l’automne 1839

RkJQdWJsaXNoZXIy NDY2MA==