Niépce correspondance et papiers
1132 C ORRESPONDANCE ET PAPIERS cée et par les produits qui se formeront. Par exemple, le tissu végétal d’un papier agira autrement que ne ferait une planche métallique. Il s’imbibera de la substance imperméable, la retiendra plus ou moins fortement par l’attraction de ses fibres, et par l’affinité des matières employées à sa fabrication. Puis, si vous employez un papier, sa pâte ne sera jamais complétement identique dans toutes les feuilles, ni même dans toutes les parties d’une feuille unique ; ou du moins elle ne s’y trouvera pas distribuée avec une égalité rigou- reuse, ce qui produira des inégalités correspondantes dans l’imbibition de la substance sen- sible, et, par suite, dans l’intensité relative de l’empreinte qui se formera. Enfin, le grain même du papier sera un obstacle considérable à la netteté de l’épreuve. Car, offrant à la radiation les cavités et les monticules dont il est parsemé, les cônes de rayons réfractés, émanés des divers points des objets, y laisseront empreintes des sections circulaires, qui empiéteront les unes sur les autres, de manière à détruire toute la délicatesse des détails 1 . Il parait donc indispensable de faire tracer ces empreintes sur une surface rigide exacte- ment plane, pour obtenir le degré de perfection qui, seul, peut les rendre précieuses et ins- tructives, comme œuvres d’art. Mais alors, quelle nature de plan sera la plus favorable, non-seulement pour l’action chimique, mais aussi pour harmoniser le mieux possible les lumières et les ombres, et en adoucir la dégradation ? Ceci est une question très-délicate et que l’expérience peut seule résoudre. Aussi, en observant avec attention les épreuves de M. Daguerre, y remarque-t-on certains jeux de lumière selon qu’on les regarde en divers sens. Ce sont là sans doute des effets cherchés, opérés à dessein, pour un motif d’art ; et il se peut qu’il y en ait d’autres encore plus secrets, qu’on n’aperçoit pas, quoiqu’ils contri- buent aussi essentiellement à la perfection incroyable des résultats. Enfin, nous indiquerons encore une dernière condition de succès, sans laquelle toutes les peines prises pour remplir les précédentes seraient à peu près inutiles. C’est l’appro- priation spéciale de la réfraction optique, à la radiation efficace qu’il s’agit d’employer. Si la substance qui doit la recevoir et s’en affecter était la rétine humaine ou une membrane nerveuse de même nature, il faudrait composer l’objectif de manière qu’il fût achromatique pour les rayons qui excitent dans notre œil la sensation de la vision ; et il faudrait dispo- ser ses courbures de telle sorte que les cônes lumineux qui le traversent obliquement à son axe, et dont les foyers forment les bords du dessin, jetassent ces foyers sur le même plan que ceux qui en forment le centre. C’est ce que l’on s’efforce d’obtenir dans les objectifs destinés aux chambres noires ordinaires, lorsqu’elles sont faites avec soin et précision. Il faut donc ici obtenir cet accord des distances focales, non pour les rayons lumineux, mais pour les rayons spéciaux par lesquels la substance impressionnable est individuellement affectée ; et cela est si nécessaire que, pour certaines substances, la concentration exacte des rayons les moins réfrangibles serait nuisible, et celle des plus réfrangibles la seule effi- cace. Voilà donc encore une étude à faire pour chaque substance impressionnable que l’on veut choisir ; et si on l’omet, ou si on la néglige, l’empreinte tracée sera aussi défectueuse que le paraîtrait, pour notre œil, l’image formée dans la chambre noire ordinaire par un objectif qui concentrerait inexactement les rayons lumineux. La perfection des dessins de M. Daguerre prouve qu’il a dû deviner avec beaucoup d’habileté cette condition optique pour la substance dont il se sert ; et qu’il a dû y satisfaire avec une grande précision, soit par des expériences directes, soit par des essais multipliés. Or, ayant communiqué ceci à M. Daguerre, après l’avoir écrit, il m’a dit qu’en effet il avait bien remarqué aussi cette 1833 18398 De l’été 1833 jusqu’à l’automne 1839 1. On aura compris qu’il s’agit ici de critiquer les travaux de l’Anglais Talbot.
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