Niépce correspondance et papiers
N IEPCE 1135 vait déjà ; et cette découverte lui aurait sans doute mérité beaucoup d’applaudissements s’il l’eût publiée. Malheureusement il jugea à propos de la tenir secrète, et elle l’est encore aujourd’hui. Vers le même temps, et sans connaître les recherches de M. Niepce, M. Daguerre cher- chait aussi à fixer les images de la chambre noire. Cet habile artiste, qui avait longtemps étudié les effets optiques, les avait employés de la manière la plus ingénieuse dans ses grands tableaux du Diorama, pour imiter jusqu’à l’illusion toutes les dégradations d’ombre et de lumière qui s’opèrent naturellement dans différents sites, aux différentes heures du jour, selon la direction actuelle des rayons solaires, et selon les objets par lesquels ces rayons sont reçus, absorbés, réfléchis, distribués. Les imperfections qu’il découvrait encore dans ces tableaux, qui semblaient si parfaits à tout autre qu’à lui-même, lui avaient inspiré un désir presque désespéré de fixer les images, bien autrement fidèles encore, de la chambre noire. Car, quant à l’idée de reproduire ainsi de simples gravures, ou de les faire reproduire à la lumière par un calque, il avait trop de connaissance des exigences de l’art pour s’y arrêter un moment. Il voulait fixer le tableau même de la chambre noire, avec la pureté de ses contours, la fidélité de ses tons, et la vérité de ses couleurs 1 . C’était tout cet ensemble de perfections qui l’avait charmé. Depuis 1824, il travailla cinq ans à réaliser ce miracle, au moyen des propriétés phosphoriques des corps. On sait en effet depuis long- temps, qu’une foule de substances, après avoir été exposées plus ou moins de temps au soleil, ou même seulement au grand jour, deviennent lumineuses dans l’obscurité, et d’au- tant plus que la radiation qui les a impressionnées a été plus vive. Par exemple, le sulfate de baryte et les écailles d’huîtres, qui sont composées de carbonate de chaux uni à des matières animales, acquièrent cette propriété à un très-haut degré lorsqu’on les calcine avec du soufre ; ce qui les change en un sulfure de baryte et un sulfure de chaux. La poudre d’écailles ainsi préparées n’émet par elle-même aucune lumière sensible ; mais si on l’ex- pose seulement au jour pendant un instant inappréciable, et qu’on la reporte aussitôt dans l’obscurité, elle y revient lumineuse et reste telle pendant quelques minutes. Le sulfate, ou plutôt le sulfure de baryte, s’impressionne de même, peut-être plus vivement encore ; car il conserve son éclat plus longtemps. Il paraît que ce dégagement de lumière accompagne ou suit la décomposition réelle, mais insensible, du sulfure que l’influence de la radiation pro- voque, ou seulement accélère ; car, lorsque les poudres rentrent dans l’obscurité après avoir été impressionnées, et se trouvent lumineuses, elles exhalent une odeur de gaz hydrogène sulfuré très-sensible, qu’elles n’émettaient pas auparavant, ou du moins qui était à peine appréciable. Concevez donc qu’une pareille poudre ait été uniformément répandue ou fixée sur un plan, et exposée ainsi à l’influence de la radiation dans la chambre noire, à la dis- tance focale convenable pour que les rayons spécialement propres à l’impressionner soient sera reconnu à Niépce que l’invention de la copie des gravures. Nous avons vu par sa correspondance qu’il avait abandonné la gravure en 1827 pour ne plus jamais y revenir. Il se consacra alors entièrement à l’ob- tention d’images à la chambre obscure qu’il présenta ensuite à ses différents interlocuteurs. La stratégie annoncée ici sera utilisée avec beaucoup d’ardeur par Arago lors de la divulgation du procédé du daguer- réotype. 1. Nous avons vu que c’était bien là l’idée originelle de Niépce dès les toutes premières expériences entre- prises en 1816. L’idée de reproduire des dessins lui vint plus tard (vers 1822-1823) lorsqu’il obtint des images en chambre obscure après des temps de pose fort longs. Il utilisa alors le tirage contact de papiers translucides afin de multiplier les expériences dans des temps plus courts, indiquant à plusieurs reprises que cette application à la gravure était pour lui bien moins importante que la réalisation des points de vue d’après nature (v. 406n). 610 1833 1839
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