Niépce correspondance et papiers
1136 C ORRESPONDANCE ET PAPIERS concentrés sur elle par l’objectif : elle s’impressionnera en chaque point du tableau avec une extrême vivacité, proportionnellement à l’énergie locale de leur action, c’est-à-dire, proportionnellement à l’intensité de la radiation efficace, émanée de chaque point des objets dont l’objectif rassemble les images. Et si cette intensité s’accorde suffisamment avec celle de la lumière visible qu’elle accompagne, il se sera produit après quelques instants, sur le tableau, une image des objets extérieurs, invisible au jour, mais qui deviendra visible dans l’obscurité. Maintenant, supposez qu’au lieu de la contempler ainsi, vous soumettiez le tableau à quelque opération physique ou chimique qui arrête la décomposition ultérieure de la poudre sensible, et qui manifeste, par une empreinte durable, les inégalités opérées dans sa décomposition : le résultat obtenu ainsi satisfera aux conditions d’une grande promptitude d’action, d’une fidèle distribution des clairs et des ombres, et d’une fixité ulté- rieure indéfinie. Mais, de ces trois conditions, la première seule, la vive impressionnabilité s’offre avec une entière évidence dans les poudres phosphoriques. Nous ignorons comment M. Daguerre remplissait les deux autres, ou espérait les remplir, lorsqu’il s’attachait avec une ardeur si persévérante à ce procédé. Et il avait tenté plus encore : il avait fait une infinité d’expériences sur les poudres phosphoriques en général, et en particulier sur le sulfate de baryte, pour savoir si, par des modes variés de préparation, et en le joignant à diverses substances, il ne pourrait pas, avec sa vive impressionnabilité, lui donner la faculté d’émettre spécialement l’espèce particu- lière de rayons colorés qui l’aurait impressionné ; ce qui aurait conduit à une représenta- tion lumineuse des objets doués de leurs couleurs propres. Des expériences faites depuis longtemps par les physiciens ont appris qu’il n’y a pas une telle correspondance entre la couleur que les rayons impressionnants produisent dans notre œil, et la couleur de la lumière émise par la poudre impressionnée ; seulement, il n’est pas sans probabilité qu’une même poudre s’impressionne le plus vivement dans les rayons dont la réfrangibilité est analogue à celle de la lumière qu’elle peut émettre. M. Daguerre parvint en effet à trouver des exemples de cette affection spéciale du corps calciné, pour telle ou telle espèce de radia- tion, accompagnant une lumière colorée définie ; mais il sentit que l’accord de couleurs, entre la lumière impressionnante et la lumière phosphoriquement émise, était impossible à obtenir en général ; de sorte qu’il limita sa recherche à la reproduction fidèle des tons et des contours par des nuances d’intensité d’une teinte unique ; problème déjà bien assez dif- ficile, et qui est précisément celui qu’il a aujourd’hui résolu avec une si admirable perfec- tion. A-t-il continué d’y faire servir en quelque chose l’incroyable impressionnabilité des substances phosphoriques, si non pour tracer, du moins pour définir l’empreinte ? Nous l’ignorons absolument : aucun moyen ne serait assurément plus rapide, si ses effets pou- vaient être fixés. L’intermédiaire d’un opticien qui travaillait pour M. Niepce et pour M. Daguerre leur avait appris qu’ils poursuivaient tous deux la même recherche ; ils commencèrent alors une correspondance amicale, dans laquelle ils se communiquaient leurs espérances, non leurs procédés. En 1827, M. Niepce allant en Angleterre connut M. Daguerre en passant par Paris ; mais la complète réserve de l’un et de l’autre, sur leurs procédés, est attestée par des lettres que M. Niepce écrivit à M. Daguerre pendant ce voyage, et que l’auteur du présent article a vues. M. Niepce y raconte les démarches infructueuses qu’il avait tentées près de la Société Royale de Londres, pour la déterminer à faire l’acquisition de son secret, dont il montrait seulement les résultats, très-imparfaits encore, comme objet d’art. Et l’on ne peut blâmer cette illustre compagnie de n’avoir pas accepté ce marché, dont l’utilité pour la 1833 1839 De l’été 1833 jusqu’à l’automne 1839
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