Niépce correspondance et papiers

N IEPCE 1137 représentation des objets naturels, ou pour l’extension des connaissances physiques, devait paraître fort douteuse, d’après des indications si bornées. Nous en pouvons juger par le peu d’intérêt qu’excitait à Paris même, et nous ajouterons que méritait, une épreuve donnée depuis par M. Niepce à l’opticien dont j’ai parlé, et qu’on a vue pendant plusieurs années chez lui. C’était un calque très-imparfait d’une gravure, obtenu par application. Mais ce qui doit bien plus surprendre, c’est qu’un savant anglais, M. Bauer, auquel M. Niepce avait laissé alors quelques-unes de ces copies, ait cru pouvoir avancer qu’elles étaient toutes aussi parfaites que les dessins actuels de M. Daguerre, dont il n’avait aucune connaissance personnelle. M. Daguerre a conservé une de ces épreuves, que lui avait donnée alors M. Niepce, pendant ce voyage même. C’est aussi un simple calque de gravure, obtenu par appli- cation. Nous l’avons vue ; et nous pouvons dire qu’il n’entrerait dans l’esprit de personne, de la mettre, sous aucun rapport, en comparaison avec les dessins, d’après nature , obtenus par la chambre noire, que nos plus grands artistes ont vus avec un étonnement mêlé d’ad- miration 1 . A l’époque dont nous parlons (1827), M. Daguerre n’avait encore employé que les compositions phosphoriques et les papiers impressionnables, préparés par un procédé chi- mique dont il nous a donné depuis communication 2 . Comme le principe théorique de cette préparation est le même qui a servi pour obtenir les diverses espèces de papiers sensibles, proposés en Angleterre et en France, je la rappellerai ici, telle que M. Daguerre nous l’a communiquée, avant que ces dernières fussent connues. Sur du papier sans colle on verse de l’éther chlorhydrique, qu’un séjour de quelque temps dans un flacon en partie rempli d’air a légèrement acidifié. Quand l’éther est évaporé, et que le papier n’est plus humide, on y étend avec un pinceau-brosse, en couche aussi égale que possible, une solution aqueuse de nitrate d’argent, contenant une partie en poids de nitrate pour une ou deux d’eau. Cette opération doit se faire dans l’obscurité ; et l’on y laisse aussi le papier jusqu’à ce qu’il soit sec. Alors il est blanc ; mais, si on le sort au jour, en lui donnant l’aspect du ciel, et qu’on l’expose ainsi à la radiation atmosphérique, même sans soleil, il s’impressionnera en quelques secondes, et se colorera d’abord en violet, puis en noir, après plus ou moins de temps. Diverses préparations chimiques appliquées ensuite, fixent les modifications qu’il a subies, et le rendent ultérieurement non impressionnable. La théorie de ce procédé est telle qu’il suit. D’abord l’éther nettoie le papier et ouvre ses pores : puis, la petite quantité d’acide chlorhydrique qu’il contient se combine avec la chaux renfermée dans la pâte. Alors, quand on y verse le nitrate, ce sel se décompose ; et il se forme, ou du moins on suppose qu’il se forme aussitôt un chlorure d’argent, qui est impressionnable par la radiation. Mais, ce qui prouve qu’il y a en outre, dans cette réac- tion, quelque chose qu’on ignore, c’est que la préparation précédente est incomparable- ment plus impressionnable que ne l’est le chlorure seul immédiatement appliqué ; et elle conserve cette supériorité même après plusieurs mois, lorsque le papier est ainsi devenu sec : seulement sa sensibilité s’affaiblit 3 . Un habile physicien anglais, M. Talbot, qui, depuis 1. On comprend ici combien il est regrettable qu’aucun des points de vue d’après nature de Niépce ne soit parvenu à la connaissance des scientifiques et du public français en 1839. Nous verrons par le témoignage jusqu’ici inconnu de J. D. Forbes de Glasgow, qu’à cette époque, Isidore Niépce détenait encore plusieurs de ces points de vue et qu’il les avait apportés avec lui à Paris. (v. 622). 2. Communication du 18/02/39 à l’Institut (C.R.H.S.A.S. tome VIII, 1839, p. 243). 3. Remarquer que dans cette description de la préparation d’un papier photosensible aux sels d’argent, il n’est à aucun moment fait mention d’essais, et encore moins de résultats, en chambre obscure. 610 1833 1839

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