Niépce correspondance et papiers
1138 C ORRESPONDANCE ET PAPIERS l’année 1834, avait aussi cherché à fixer les images de la chambre noire, sans savoir que M. Daguerre s’occupât de cette recherche, avait trouvé de son côté un papier sensible qu’il préparait d’après un principe absolument pareil. Seulement, au lieu de le laver d’abord avec l’éther acide, il l’imprégnait d’une solution de chlorure de sodium (sel marin), le faisait sécher au feu, et y versait ensuite le nitrate d’argent dans l’obscurité. On peut remplacer le chlorure de sodium par le muriate de chaux avec un égal succès. Le principe de l’opération consiste toujours à donner au papier les éléments nécessaires, pour la formation d’un chlo- rure d’argent, qui s’opère par la décomposition du nitrate 1 . Mais, puisque le chlorure formé noircit sous l’influence de la radiation, et d’autant plus vivement qu’elle est plus intense, des papiers ainsi préparés reproduisent inévitablement les clairs par des ombres et les ombres par des clairs ; ce qui est un inconvénient capital pour la représentation des objets naturels, ou même pour la répétition des gravures. L’inversion peut se détruire, en se ser- vant de la première empreinte pour en former une seconde, qui offre alors les clairs et les ombres à leur vraie place ; mais cette seconde opération affaiblit encore la netteté du des- sin produit par la première. On l’évite, comme l’a fait M. Lassaigne, en faisant d’abord noir- cir complétement, par la radiation, le papier couvert d’une couche de chlorure d’argent ; puis l’imprégnant, lorsqu’il est sec, d’une solution faible d’iodure de potassium qu’on y verse dans l’obscurité. Cet iodure décompose le chlorure ; mais plus rapidement sous l’in- fluence de la radiation que dans l’obscurité. Alors, quand le papier revêtu des deux sub- stances est sec, on y applique la gravure que l’on veut copier, ou l’objet naturel dont on veut obtenir la projection. Le chlorure se décomposant beaucoup plus dans les parties traversées par la radiation que dans celles où elle est interceptée, celles-ci se tracent en noir, les autres en clairs, conformément à leur distribution naturelle ; et, l’image obtenue, on la fixe, en rendant le papier insensible 2 . Mais, de quelque manière qu’on s’y prenne, en opérant ainsi avec des papiers impres- sionnables, soit par inversion, soit par double décomposition, l’empreinte définitive exige toujours beaucoup de temps pour se former, même par application immédiate. On ne l’ob- tient ainsi, suffisamment distincte, qu’avec l’action directe des rayons solaires ; et elle est nulle, ou presque nulle, si l’on opère sous l’influence de la radiation diffuse, dans la chambre noire. Comme c’était là l’objet spécial que M. Daguerre s’était proposé, et qu’il lui semblait seul utile à atteindre sous le rapport de l’art, il renonça tout à fait à l’emploi des papiers impressionnables ; et cessa même de s’occuper de cette recherche jusqu’en 1829, qu’il s’associa avec M. Niepce. Celui-ci lui ayant communiqué son procédé secret, M. Daguerre l’améliora, le rendit plus sensible, l’étendit à un grand nombre de substances auxquelles M. Niepce n’avait pas songé, et parvint à en obtenir des empreintes incomparablement plus parfaites 3 . Mais, ainsi perfectionné, il était encore beaucoup trop lent pour éviter le déplacement des ombres 1833 1839 1 De l’été 1833 jusqu’à l’automne 1839 1. Note de Biot : « M.Talbot a remplacé récemment le chlorure de sodium par du bromure de potassium, ce qui détermine la formation d’un bromure d’argent. On obtient ainsi des papiers encore plus impressionnables ». 2. Le procédé de Lassaigne communiqué à l’Institut le 08/04/39 (C.R.H.S.A.S. tome VIII, 1839, p. 547) n’est appli- qué qu’à la copie des gravures.A noter qu’il s’agit du procédé positif direct grâce auquel Hippolyte Bayard pré- sentera, en juillet 1839, les premières photographies positives sur papier. Nous avons nous-même reconstitué le procédé de H. Bayard pour la première fois en 1990.Travaux non publiés. 3. Il s’agit du procédé du physautotype qui, nous l’avons vu, fut mis au point par Niépce et Daguerre pendant l’été 1832. La perfection des images ne tient pas au procédé (en matière de rendu des détails et des dégra- dés de teintes, l’héliographie au bitume donne des images aussi excellentes que le physautotype) mais à l’optique utilisée.
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