Niépce correspondance et papiers
N IEPCE 1139 portées. Par exemple, avec un objectif de six pouces de foyer 1 , il ne fallait pas moins de douze heures pour obtenir une vue de paysage dans la chambre noire 2 , dans les circons- tances de radiation les plus favorables. Les empreintes s’opéraient sur des corps rigides, comme M. Niepce l’avait toujours pratiqué. Enfin, du vivant de M. Niepce, M. Daguerre, occupé de ses tableaux du Diorama, lui communiqua le principe du procédé actuel 3 , comme devant offrir infiniment plus de rapi- dité. Il l’exhorta à l’étudier et à perfectionner ses applications, ce que M. Niepce consentit à faire, par déférence amicale plus que par l’espérance du succès. Après quelques mois de tentatives infructueuses il l’abandonna complétement, malgré les instances réitérées de M. Daguerre, et il finit par lui écrire que ce serait absolument s’égarer que de s’obstiner à pour- suivre l’application d’un principe pareil. Ces lettres existent, et M. Arago les a vues. M. Niepce mourut en 1833. M. Daguerre, découragé par ses avis, ne chercha pas d’abord à réaliser l’idée qu’il avait conçue. Il travailla par les anciens procédés pendant l’an- née 1834. Enfin, les recherches sans nombre qu’il avait faites pour les perfectionner, l’ayant convaincu qu’il était impossible de les rendre assez rapides pour les appliquer dans la chambre noire, seul but qui lui paraissait utile à atteindre, il revint encore à l’idée qu’il s’était faite et réussit à la réaliser en quelques points, de manière à en voir l’application assurée. Alors, quoique la mort de M. Niepce, et sa renonciation à suivre cette voie, pût paraître avoir mis fin aux engagements contractés pour un travail commun, M. Daguerre renouvela avec les enfants de M. Niepce le traité qu’il avait passé avec leur père, et il consentit à les associer aux fruits de sa découverte, sous la condition seule qu’elle porterait son nom. Ayant repris ainsi les nouveaux liens qu’il croyait lui être imposés par son ancienne affection pour M. Niepce, il s’attacha obstinément à perfectionner, dans les plus minutieux détails, l’exécution du procédé dans lequel il avait si heureusement persisté ; et c’est ainsi qu’à force de recherches, où l’art et la science se prêtaient constamment un mutuel secours, il est parvenu à produire en quelques minutes, par le seul secours de la réfraction optique, ces empreintes étonnantes que les savants et les artistes ont vues avec une inépuisable admiration. La publicité européenne que reçut bientôt l’annonce de cette espèce de prodige, déter- mina un savant anglais très-distingué, M. Talbot, à déclarer que, sans être instruit des recherches suivies par M. Daguerre, il avait, de son côté, travaillé depuis 1834 à obtenir des empreintes de gravures, et même d’objets naturels, tant par application immédiate que par réfraction dans la chambre noire, en faisant agir la radiation sur des papiers impression- nables dont il nous dévoila la préparation, au moment même où M. Daguerre nous expli- quait les siens, et avant qu’aucune communication de l’un à l’autre eût été physiquement possible. D’ailleurs le caractère connu et honorable de M. Talbot aurait suffi pour donner toute croyance à ses assertions ; comme aussi l’établissement possible des dates et l’exhi- bition même des empreintes de M. Daguerre assuraient à la découverte de ce dernier une 1. Nous avons vu (v. 553) que ce type d’objectif était effectivement utilisé pour les physautotypes. Le foyer de l’objectif n’intervient en rien dans la sensibilité d’un procédé. C’est l’ouverture, traduisant la luminosité de l’optique, que Biot aurait dû noter. 2. Dans la brochure qu’il fera paraître en septembre 1839,Daguerre indique un temps de pose de 7 à 8 heures. (D. p. 48). 3. Ce que Daguerre proposait à Niépce était alors bien loin du procédé du daguerréotype. Il ne s’agissait que de noircir de l’iodure d’argent sur des plaques d’argent, exactement comme Niépce noircissait du chlorure d’argent sur papier en 1816. A cette époque Daguerre n’apportait aucune solution à l’inversion du négatif sur support opaque, ni à sa fixation. 610 1833 1839
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