Niépce correspondance et papiers

1148 C ORRESPONDANCE ET PAPIERS Litérature» que l’on avait tiré de la Gazette de France, en date de Paris, le 6 de janvier 1839.— Dans ce paragraphe j’ai vu, avec grand étonnement et meme avec dégout que Mons r Daguerre non seulement s’approprie à lui même le merite de la premiere découverte de cet art interessant mais encore qu’il veut arrogamment y imposer son propre nom. Etonné de ce que l’on avoit passé sous un entier oubli le nom de votre digne père, sans en avoir dit un seul mot, ni dans les pieces officielles, ni dans aucun des journaux de France, je m’étois determiné de porter à la connoissance du public le nom de mon // très estime ami, Nicéphore Niepce, et son héliographie (car jusque ici toute l’Angleterre n’en savoit rien de tout cela). Ce fut donc pour cet objet que j’ai fait inserer une lettre de ma part dans la Gazette de Litérature de Londres de 2 mars passé accompagné avec une traduction en anglois (peu soignée peut-être) du memoire ecrit par votre pere, et dont je vous envois ci- inclu un exemplaire imprimé.— Cette publication attira l’attention de tous les journaux anglois, et des Messieurs les artistes surtout. En suite, le 9 de mars M. le marquis de Northampton donna sa prémiere soirée dans sa qualité du president de la Société Royale, à laquelle assista une assemblée immense composée non seulement de membres de la Société Royale mais encore des savans, des artistes, et de la noblesse, qui vient séjourner à Londres dans cette saison ; et j’y ai fait voir les quatre desseins, ou essais, faits en helio- graphie par votre père 1 , avec le memoire autographe ecrit par lui meme. Vu que personne qui assista à cette réunion, n’eut la moindre connoissance de cet art, dont on ignoroit l’idée même en Angleterre, cette exibition a fait naitre la plus vive sensation dans cette assem- blée, et l’on s’en convenoit à l’unanimité, et il fut même déclaré que la daguerreotype ne fut qu’une usurpation digne // de ridicule ; et j’ai bien raison à croire qu’en Angleterre, jamais l’on accordera ce nom à cet art. Il y a pourtant un point, dont je vous prie de m’offrir quelque ecclaircissement, viz. Votre pere dans la seconde partie du titre de son mémoire 2 dit, «sur la maniere de fixer l’image des objets par l’action de la lumiere et de la reproduire par l’impression à l’aide des procédés connus de la gravure». Or ceci me semble la partie la plus importante dans cette découverte : pourtant je ne trouve pas que l’on dise la moindre parole, qui regarde cette partie du sujet ni dans le rapport de Mons. Arago, ni dans aucun des journaux françois. Certainement je ne souhaite pas de savoir le secret, mais je vous prie, Monsieur, de m’eclai- 1833 1839 1 De l’été 1833 jusqu’à l’automne 1839 1. Pour essayer de découvrir quelles étaient ces quatre pièces, nous avons rapproché l’inventaire dressé par Bauer lui-même (dans la Literary Gazette ; inventaire des plus sommaires malheureusement), du catalogue de la vente de ses objets (Christie’s, Londres, 24 novembre 1841 ; lequel catalogue mentionne quatre hélio- graphies, trois tirages sur papier, un mémoire et deux notes autographes, formant les lots 187 à 191), et de l’état des collections actuelles (Harry Ransom Humanities Research Center et Royal Photographic Society). Rappelons donc qu’en 1839 Bauer déclarait détenir : 1° le premier essai réussi de fixage de l’image de la nature, 2° une autre planche préparée par ce qu’il appelle le procédé chimique, pour en tirer des épreuves comme on le fait à partir des planches de cuivre gravées à l’eau-forte, 3° quelques épreuves de cette même planche, 4° etc. ! Par ailleurs, l’état des collections actuelles, conforme (à une pièce près) à l’inven- taire de Hunt (R.H. pp. 29-30), prouve que Bauer possédait : 1° le point de vue pris de la fenêtre du Gras, 2° la reproduction héliogravée sur étain d’une gravure représentant le portrait du cardinal d’Amboise, 3° celle représentant les ruines d’une abbaye, 4° celle représentant le Christ portant sa croix, 5° deux épreuves sur papier du cardinal. A cette liste s’ajoutait sans doute une épreuve mentionnée par Hunt, aujourd’hui inconnue, représentant un paysage avec ruines. Ce rapprochement tendant à prouver que Bauer ne déte- nait qu’une seule image de la nature faite à la chambre, on ne saurait douter que le célèbre point de vue pris de la fenêtre comptait parmi les quatre pièces exhibées en cette soirée du 9 mars 1839. Quant aux trois autres, on peut penser que Bauer avait choisi de préférence les planches héliogravées, mais rien ne per- met de l’affirmer. 2. V. 443, 433.

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