Niépce correspondance et papiers

N IEPCE 1171 d’essais si longtemps infructueux. Leur invention n’est pas susceptible d’être protégée par un brevet. Dès qu’elle sera connue, chacun pourra s’en servir. Le plus maladroit fera des dessins aussi exactement qu’un artiste exercé. Il faut donc nécessairement que ce procédé appartienne à tout le monde, ou qu’il reste inconnu. Et quels justes regrets n’exprimeraient pas tous les amis de l’art et de la science, s’il devait se perdre et mourir avec ses inventeurs. Dans une circonstance aussi exceptionnelle, il appartient au Gouvernement d’inter- venir. C’est à lui de mettre la société en possession de la découverte dont elle demande à jouir dans un intérêt général, sauf à donner aux auteurs de cette découverte, le prix, ou plutôt la récompense de leur invention. Tels sont les motifs qui nous ont déterminé à conclure, avec MM. Daguerre et Niepce, une convention provisoire dont le projet de loi que nous avons l’honneur de vous sou- mettre a pour objet de vous demander la sanction. Avant de vous faire connaître les bases de ce traité, quelques détails sont nécessaires. La possibilité de fixer passagèrement les images de la chambre obscure était connue depuis le siècle dernier ; mais cette découverte ne promettait aucun résultat utile, puisque la substance sur laquelle les rayons solaires dessinaient les images n’avait pas la propriété de les conserver, et qu’elle devenait complètement noire aussitôt qu’on l’exposait à la lumière du jour. M. Niépce père inventa un moyen de rendre ces images permanentes. Mais, bien qu’il eût résolu ce problème difficile, son invention n’en restait pas moins encore très impar- faite. Il n’obtenait que la silhouette des objets, et il lui fallait au moins douze heures pour exécuter le moindre dessin. C’est en suivant des voies entièrement différentes, et en mettant de côté les traditions de M. Niepce, que M. Daguerre est parvenu aux résultats admirables dont nous sommes aujurd’hui témoins, c’est à dire l’extrême promptitude de l’opération de la perspective aérienne et de tout le jeu des ombres et des clairs. La méthode de M. Daguerre lui est propre, elle n’appartient qu’à lui et se distingue de celle de son prédécesseur, aussi bien dans sa cause que dans ses effets. Toutefois, comme avant la mort de M. Niepce père, il avait été passé entre lui et M. Daguerre un traité par lequel ils s’engageaient mutuellement à partager tous les avantages qu’ils pourraient recueillir de leurs découvertes, et comme cette stipulation a été étendue à M. Niepce fils, il serait impossible aujourd’hui de traiter isolément avec M. Daguerre, même du procédé qu’il a non seulement perfectionné, mais inventé. Il ne faut pas oublier, d’ailleurs, que la méthode de M. Niepce, bien qu’elle soit demeurée imparfaite, serait peut- être susceptible de recevoir quelques améliorations, en certaines circonstances, et qu’il importe, par conséquent, pour l’histoire de la science, qu’elle soit publiée en même temps que celle de M. Daguerre. Ces explications vous font comprendre, Messieurs, pour quelle raison et à quel titre MM. Daguerre et Niepce fils ont dû intervenir dans la convention que vous trouverez annexée au projet de loi. Une somme de 200,000 francs nous avait d’abord été demandée pour prix de la ces- sion des procédés de MM. Niepce et Daguerre, et nous devons dire que des offres venant des souverains étrangers 1 justifiaient cette prétention. Néanmoins, nous avons obtenu 1. Sur ce sujet, de précieux témoignages ont été tirés de l’oubli par Steven F. Joseph et Tristan Schwilden (J.&S.). C’est à leur travail que nous empruntons la totalité des informations contenues dans cette note. Sur 626 1833 1839

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