Niépce correspondance et papiers
1178 C ORRESPONDANCE ET PAPIERS qui lui fait face, avec des dimensions réduites ou agrandies, suivant les distances ; avec des formes et des situations relatives exactes, dans une grande étendue du tableau ; avec les couleurs naturelles. Porta découvrit, peu de temps après, que le trou n’a nullement besoin d’être petit ; qu’il peut avoir une largeur quelconque quand on le couvre d’un de ces verres bien polis, qui, à raison de leur forme, ont été appelés lentilles. Les images produites par l’intermédiaire du trou, ont peu d’intensité. Les autres brillent d’un éclat proportionnel à l’étendue superficielle de la lentille qui les engendre. Les premières ne sont jamais exemptes de confusion. Les images des lentilles, au contraire, quand on les reçoit exactement au foyer, ont des contours d’une grande netteté. Cette net- teté est devenue vraiment étonnante, depuis l’invention des lentilles achromatiques ; depuis qu’aux lentilles simples, composées d’une seule espèce de verre, et possédant, dès lors, autant de foyers distincts qu’il y a de couleurs différentes dans la lumière blanche, on a pu substituer des lentilles achromatiques , des lentilles qui réunissent tous les rayons pos- sibles dans un seul foyer ; depuis aussi, que la forme périscopique a été adoptée. Porta fit construire des chambres noires portatives. Chacune d’elles était composée d’un tuyau, plus ou moins long, armé d’une lentille. L’écran blanchâtre en papier ou en car- ton, sur lequel les images allaient se peindre, occupait le foyer. Le physicien napolitain des- tinait ses petits appareils aux personnes qui ne savent pas dessiner. Suivant lui, pour obte- nir des vues parfaitement exactes des objets les plus compliqués, il devait suffire de suivre, avec la pointe d’un crayon, les contours de l’image focale. Ces prévisions de Porta ne se sont pas complètement réalisées. Les peintres, les dessi- nateurs ; ceux, particulièrement, qui exécutent les vastes toiles des Panoramas et des Dioramas, ont bien encore quelquefois recours à la chambre noire ; mais c’est seulement pour tracer, en masse, les contours des objets ; pour les placer dans les vrais rapports de grandeur et de position ; pour se conformer à toutes les exigences de la perspective linéaire 1 . Quant aux effets dépendant de l’imparfaite diaphanéité de notre atmosphère, et qu’on a caractérisés par le terme assez impropre de perspective aérienne , les peintres exercés eux- mêmes n’espéraient pas que, pour les reproduire avec exactitude, la chambre obscure pût leur être d’aucun secours. Aussi, n’y a-t-il personne qui, après avoir remarqué la netteté de contours, la vérité de formes et de couleur, la dégradation exacte des teintes qu’offrent les images engendrées par cet instument, n’ait vivement regretté qu’elles ne se conservassent pas d’ elles-mêmes ; n’ait appelé de ses vœux la découverte de quelque moyen de les fixer sur l’écran focal : aux yeux de tous, il faut également le dire, c’était là un rêve destiné à prendre place parmi les conceptions extravagantes d’un Burnet 2 ou d’un Cyrano de Bergerac. Le rêve, cependant, vient de se réaliser. Prenons, Messieurs, l’invention dans son germe et marquons-en soigneusement les progrès. Les alchimistes réussirent jadis à unir l’argent à l’acide marin. Le produit de la combi- 1833 1839 1 De l’été 1833 jusqu’à l’automne 1839 1. Daguerre était de ces peintres-là. C’est précisément ce qui l’avait conduit à désirer une chambre noire aussi performante que possible (C.C.). 2. Thomas Burnet (1635-1715) ? Peut-être par crainte de confusion avec l’historien Gilbert Burnet (1643-1715), son nom ne figurera ni dans les Comptes Rendus de l’Académie, ni dans l’opuscule de Daguerre ; il sera rem- placé par Wilkins. Thomas Burnet mourut « regretté des bons citoyens et des littérateurs » (FEL., t. IV). Evoquons seulement ici sa Telluris théoria sacra , 1681, qui nous laisse penser que c’est bien de lui que vou- lait parler Arago : « Bien écrite, mais pleine de paradoxes, et plus agréable qu’utile. Il prétend que la terre, avant le déluge, était sans vallées, sans montagnes et sans mers ; et, quoiqu’il soit embarrassé de prouver cette opinion, il parle comme si elle était sincère » (ib.).
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