Niépce correspondance et papiers

1180 C ORRESPONDANCE ET PAPIERS très peu de temps, y serait devenu d’un noir uniforme. Qu’était-ce, en vérité, qu’engendrer des images sur lesquelles on ne pouvait jeter un coup d’œil qu’à la dérobée, et même seu- lement à la lumière d’une lampe ; qui disparaissaient en peu d’instants, si on les examinait au jour ? Après les essais imparfaits, insignifiants, dont nous venons de donner l’analyse, nous arrivons, sans renconter sur notre route aucun intermédiaire, aux recherches de MM. Niepce 1 et Daguerre. Feu M. Niepce était un propriétaire retiré dans les environs de Chalon-sur-Saône. Il consacrait ses loisirs à des recherches scientifiques. Une d’elles, concernant certaine machine où la force élastique de l’air, brusquement échauffée, devait remplacer l’action de la vapeur, subit, avec assez de succès, une épreuve fort délicate : l’examen de l’Académie des sciences 2 . Les recherches photographiques de M. Niepce paraissent remonter jusqu’à l’an- née 1814. Ses premières relations avec M. Daguerre sont du mois de janvier 1826. L’indiscrétion d’un opticien de Paris lui apprit alors que M. Daguerre était occupé d’expé- riences ayant aussi pour but de fixer les images de la chambre obscure 3 . Ces faits sont consi- gnés dans des lettres que nous avons eues sous les yeux. En cas de contestation, la date cer- taine des premiers travaux photogéniques de M. Daguerre, serait donc l’année 1826. M. Niepce se rendit en Angleterre en 1827. Dans le mois de décembre de cette même année, il présenta un mémoire sur ses travaux photogéniques à la Société Royale de Londres 4 . Le mémoire était accompagné de plusieurs échantillons sur métal, produit des méthodes déjà découvertes alors par notre compatriote. A l’occasion d’une réclamation de priorité, ces échantillons, encore en bon état, sont loyalement sortis naguère des collections de divers savants anglais. Ils prouvent, sans réplique, que pour la copie photographique des gravures , que pour la formation, à l’usage des graveurs, de planches à l’état d’ébauches avancées, M. Niepce connaissait, en 1827, le moyen de faire correspondre les ombres aux ombres, les demi teintes aux demi-teintes, les clairs aux clairs ; qu’il savait, de plus, ses copies une fois engendrées, les rendre insensibles à l’action ultérieure et noircissante des rayons solaires 5 . En d’autres termes, l’ingénieux expérimentateur de Chalon, par le choix de ses enduits, résolut, dès 1827, un problème qui avait défié la haute sagacité d’un Wedgwood, d’un Humphry Davy. L’acte d’association (enregistré) de MM. Niepce et Daguerre, pour l’exploitation en com- mun des méthodes photographiques, est du 14 décembre 1829. Les actes postérieurs, passés entre M. Isidore Niepce fils, comme héritier de son père, et M. Daguerre, font mention, pre- mièrement, de perfectionnements apportés par le peintre de Paris aux méthodes du physicien de Chalon ; en second lieu, de procédés entièrement neufs, découverts par M. Daguerre, et doués de l’avantage (ce sont les propres expressions d’un des actes) «de reproduire les images 1833 1839 1 De l’été 1833 jusqu’à l’automne 1839 1. Le nom sera transcrit de même, sans accent aigu, dans la brochure de Daguerre. Par contre, l’Académie l’or- thographiera correctement (v. 636). 2. V. 192. 3. C’est au contraire Daguerre qui, par l’indiscrétion de Chevalier, apprit l’invention de Niépce (v. 406). 4. Bauer a justement indiqué le contraire (v. 602). Le mémoire de Niépce ne fut jamais présenté à la Royal Society. 5. En 1827 l’action noircissante de la lumière n’intervenait pas dans le procédé de Niépce.Ce n’est qu’à partir de 1828, lors de l’emploi des vapeurs d’iode, qu’il y avait noircissement de l’iodure d’argent à la lumière dans les zones sombres des images. Par ailleurs, on l’a vu, dans toutes ses notices rédigées en Angleterre, Niépce pré- sentait en priorité ses « épreuves encadrées faites sur étain » (autrement dit ses points de vue d’après nature). Ce n’est qu’en second lieu qu’il présentait ses « essais de gravures » (v. 432, 433, 443).

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