Niépce correspondance et papiers

N IEPCE 1181 avec soixante ou quatre-vingt fois plus de promptitude» que les procédés anciens. Ceci servira à expliquer diverses clauses du contrat (passé entre M. le ministre de l’Intérieur d’une part, MM. Daguerre et Niepce fils de l’autre), qui est annexé au projet de loi. Dans ce que nous disions tout-à-l’heure des travaux de M. Niepce, on aura sans doute remarqué ces mots restrictifs : pour la copie photogénique des gravures . C’est qu’en effet, après une multitude d’essais infructueux, M. Niepce avait, lui aussi, à peu près renoncé à reproduire les images de la chambre obscure 1 ; c’est que les préparations dont il faisait usage ne noircissaient pas assez vite sous l’action lumineuse ; c’est qu’il lui fallait dix à douze heures 2 pour engendrer un dessin ; c’est que, pendant de si longs intervalles de temps, les ombres portées se déplaçaient beaucoup ; c’est qu’elles passaient de la gauche à la droite des objets ; c’est que ce mouvement, partout où il s’opérait, donnait naissance à des teintes plates, uniformes ; c’est que, dans les produits d’une méthode aussi défectueuse, tous les effets résultant des contrastes d’ombre et de lumière étaient perdus 3 ; c’est que, malgré ces immenses inconvénients, on n’était pas même toujours sûr de réussir ; c’est qu’après des précautions infinies, des causes insaisissables, fortuites faisaient qu’on avait tantôt un résultat passable, tantôt une image incomplète, ou qui laissait ça et là de larges lacunes 4 ; c’est, enfin, qu’exposés aux rayons solaires, les enduits sur lesquels les images se dessinaient, s’ils ne noircissaient pas, se divisaient, se séparaient par petites écailles 5 . En prenant la contre-partie de toutes ces imperfections, on aurait une énumération, à peu près complète, des mérites de la méthode que M. Daguerre a découverte, à la suite d’un nombre immense d’essais minutieux, pénibles, dispendieux. Les plus faibles rayons modifient la substance du daguerréotype. L’effet se produit avant que les ombres solaires aient eu le temps de se déplacer d’une manière appréciable. Les résultats sont certains, si on se conforme à des prescriptions très simples ; enfin, les images une fois produites, l’action des rayons du soleil, continuée pen- dant des années, n’en altère ni la pureté, ni l’éclat, ni l’harmonie. Votre Commission a pris les dispositions nécessaires pour que le jour de la discussion de la loi tous les membres de la Chambre, s’ils le jugent convenable, puissent apprécier les fruits du daguerréotype, et se faire eux-mêmes une idée de l’utilité de cet appareil. A l’ins- pection de plusieurs des tableaux qui passeront sous vos yeux, chacun songera à l’immense parti qu’on aurait tiré, pendant l’expédition d’Egypte, d’un moyen de reproduction si exact et si prompt ; chacun sera frappé de cette réflexion, que si la photographie avait été connue en 1798, nous aurions aujourd’hui des images fidèles d’un bon nombre de tableaux emblé- 1. Nous avons déjà à maintes reprises, au fil de la correspondance de Niépce, souligné le fait qu’il avait au contraire renoncé à la gravure en 1827 pour se consacrer exclusivement à l’obtention des points de vue à la chambre obscure (v. 406). Même trompé par Daguerre, Arago ne pouvait ignorer ce fait : la notice publiée par Bauer attestait que la copie des gravures n’était qu’une « application » de l’invention. 2. Ce temps de pose est trop court pour une héliographie au bitume. Nous verrons qu’Arago faisait la confu- sion entre le procédé au bitume et le procédé du physautotype (v. 636). 3. Remarquer la forme du discours d’Arago qui donne l’impression d’une série d’inconvénients alors qu’il ne s’agit ici que de ce qui découle de la longueur du temps de pose. 4. Cette critique montre bien que Daguerre avait une pratique assez rudimentaire et par conséquent assez mauvaise de l’héliographie. Avec un peu d’expérience, toutes ces difficultés disparaissent. 5. Le vernis au bitume de Judée est extrêmement stable à la lumière. En revanche, Daguerre prétendait que dans le procédé du physautotype, les images « se gercent et finissent par disparaître entièrement lorsqu’on les expose plusieurs mois au soleil ». Ici apparaît chez Arago une confusion entre les deux procédés, confu- sion que nous retrouverons à différentes reprises sous diverses formes. 629 1833 1839

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