Niépce correspondance et papiers

1182 C ORRESPONDANCE ET PAPIERS matiques, dont la cupidité des Arabes et le vandalisme de certains voyageurs, a privé à jamais le monde savant. Pour copier les millions et millions d’hiéroglyphes qui couvrent, même à l’extérieur, les grands monuments de Thèbes, de Memphis, de Karnak, il faudrait des vingtaines d’an- nées et des légions de dessinateurs. Avec le daguerréotype, un seul homme pourrait mener à bonne fin cet immense travail. Munissez l’institut d’Egypte de deux ou trois appareils de M. Daguerre, et sur plusieurs des grandes planches de l’ouvrage célèbre 1 , fruit de notre immortelle expédition, de vastes étendues d’hiéroglyphes réels iront remplacer des hiéro- glyphes fictifs ou de pure convention ; et les dessins surpasseront partout en fidélité, en couleur locale, les œuvres des plus habiles peintres ; et les images photogéniques, étant sou- mises dans leur formation aux règles de la géométrie, permettront, à l’aide d’un petit nombre de données, de remonter aux dimensions exactes des parties les plus élevées, les plus inaccessibles des édifices. Ces souvenirs où les savants, où les artistes, si zélés et si célèbres attachés à l’armée d’Orient, ne pourraient, sans se méprendre étrangement, trouver l’ombre d’un blâme, reporteront sans doute les pensées vers les travaux qui s’exécutent aujourd’hui dans notre propre pays, sous le contrôle de la Commission des monuments historiques. D’un coup d’œil, chacun apercevra alors l’immense rôle que les procédés photographiques sont desti- nés à jouer dans cette entreprise nationale ; chacun comprendra aussi que les nouveaux procédés se distingueront par l’économie, genre de mérite qui, pour le dire en passant, marche rarement dans les arts avec la perfection des produits. Se demande-t-on, enfin, si l’art, envisagé en lui-même, doit attendre quelques progrès de l’examen, de l’étude de ces images qui sont dessinées par ce que la nature offre de plus subtil, de plus délié : par des rayons lumineux ? M. Paul Delaroche va nous répondre. Dans une note rédigée à notre prière, ce peintre célèbre déclare que les procédés de M. Daguerre «portent si loin la perfection de certaines conditions essentielles de l’art, qu’ils deviendront pour les peintres, même les plus habiles, un sujet d’observations et d’études.» Ce qui frappe dans les dessins photographiques, c’est que le fini d’un précieux inimagi- nable, ne trouble en rien la tranquillité des masses, ne nuit en aucune manière à l’effet général». «La correction des lignes, dit ailleurs M. Delaroche, la précision des formes est aussi complète que possible dans les dessins de M. Daguerre, et l’on y reconnaît en même temps un modèle 2 large, énergique, et un ensemble aussi riche de ton que d’effet.... Le peintre trouvera dans ce procédé un moyen prompt de faire des collections d’études qu’il ne pourrait obtenir autrement qu’avec beaucoup de temps, de peine et d’une manière bien moins parfaite, quel que fût d’ailleurs son talent.» Après avoir combattu par d’excellents arguments les opinions de ceux qui se sont imaginé que la photographie nuirait à nos habiles graveurs, M. Delaroche termine sa note par cette réflexion : «En résumé, l’admi- rable découverte de M. Daguerre est un immense service rendu aux arts.» Nous ne commettrons pas la faute de rien ajouter à un pareil témoignage. On se le rappelle, sans doute, parmi les questions que nous nous sommes posées en 1833 1839 1 De l’été 1833 jusqu’à l’automne 1839 1. Description ou Recueil des observations et des recherches qui ont été faites en Egypte pendant l’expédition de l’armée française… , publié de 1809 à 1822. Entreprise gigantesque qui comprend neuf volumes in-folio de texte et onze de planches. 2. Deviendra « modelé » dans les Comptes Rendus de l’Académie ; mais « modèle » se retrouvera chez Daguerre.

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