Niépce correspondance et papiers

N IEPCE 1183 commençant ce rapport, figure celle de savoir si les méthodes photogéniques pourront devenir usuelles. Sans divulguer ce qui est, ce qui doit rester secret jusqu’à l’adoption, jusqu’à la promul- gation de la loi, nous pouvons dire que les tableaux sur lesquels la lumière engendre les admi- rables dessins de M. Daguerre, sont des tables de plaqué, c’est à dire des planches de cuivre recouvertes d’une mince feuille d’argent. Il eût été sans doute préférable pour la commodité des voyageurs et, aussi, sous le point de vue économique, qu’on pût se servir de papier. Le papier imprégné de chlorure ou de nitrate d’argent fut, en effet, la première substance dont M. Daguerre fit choix ; mais le manque de sensibilité, la confusion des images, le peu de cer- titude des résultats, les accidents qui résultaient souvent de l’opération destinée à transfor- mer les clairs en noirs et les noirs en clairs, ne pouvaient manquer de décourager un si habile artiste. S’il eût persisté dans cette première voie, ses dessins photogéniques figureraient peut- être dans les collections, à titre de produits d’une expérience de physique curieuse ; mais, assurément, la Chambre n’aurait pas à s’en occuper. Au reste, si trois ou quatre francs, prix de chacune des plaques dont M. Daguerre fait usage, paraissent un prix élevé, il est juste de dire que la même plaque peut recevoir successivement cent dessins différents. Le succès inouï de la méthode actuelle de M. Daguerre tient en partie à ce qu’il opère sur une couche de matière d’une minceur extrême, sur une véritable pellicule. Nous n’avons donc pas à nous occuper du prix des ingrédients qui la composent. Ce prix, par sa petitesse, ne serait vraiment pas assignable. Un seul des membres de la Commission a vu opérer l’artiste et a opéré lui-même. Ce sera donc sous la responsabilité personnelle de ce député 1 que nous pourrons entretenir la Chambre du daguerréotype envisagé sous le point de vue de la commodité. Le daguerréotype ne comporte pas une seule manipulation qui ne soit à la portée de tout le monde. Il ne suppose aucune connaissance de dessin, il n’exige aucune dextérité manuelle. En se conformant, de point en point, à certaines prescriptions très simples et très peu nombreuses, il n’est personne qui ne doive réussir aussi certainement et aussi bien que M. Daguerre lui-même. La promptitude de la méthode est peut-être ce qui a le plus étonné le public. En effet, dix à douze minutes sont à peine nécessaires, dans les temps sombres de l’hiver, pour prendre la vue d’un monument, d’un quartier de ville, d’un site. En été, par un beau soleil, ce temps peut être réduit de moitié. Dans les climats du Midi, deux à trois minutes suffiront certainement. Mais, il importe de le remarquer, ces dix à douze minutes d’hiver, ces cinq à six minutes d’été, ces deux à trois minutes des régions méridionales, expriment seulement le temps pendant lequel la lame de plaqué a besoin de recevoir l’image lenticulaire. A cela, il faut ajouter le temps du déballage et de l’arrange- ment de la chambre noire, le temps de la préparation de la plaque, le temps que dure la petite opération destinée à rendre le tableau, une fois créé, insensible à l’action lumineuse. Toutes ces opérations réunies pourront s’élever à trente minutes ou à trois quarts d’heure. Ils se faisaient donc illusion, ceux qui, naguère, au moment d’entreprendre un voyage, déclaraient vouloir profiter de tous les moments où la diligence gravirait lentement des montées, pour prendre des vues du pays. On ne s’est pas moins trompé lorsque, frappé des curieux résultats obtenus récemment par des reports de feuillet des gravures des plus anciens ouvrages, on a rêvé la reproduction, la multiplication des dessins photographiques 1. Arago lui-même. 629 1833 1839

RkJQdWJsaXNoZXIy NDY2MA==