Niépce correspondance et papiers
1184 C ORRESPONDANCE ET PAPIERS par des reports lithographiques. Ce n’est pas seulement dans le monde moral qu’on a les défauts de ses qualités : la maxime trouve souvent son application dans les arts. C’est au poli parfait, à l’incalculable minceur de la couche sur laquelle M. Daguerre opère, que sont dus le fini, le velouté, l’harmonie des dessins photographiques. En frottant, en tamponnant de pareils dessins, en les soumettant à l’action de la presse ou du rouleau, on les détruirait sans retour. Mais aussi, personne imagina-t-il jamais de tirailler fortement un ruban de dentelles, ou de brosser les ailes d’un papillon ? L’académicien 1 , qui connaît déjà depuis quelques mois les préparations sur lesquelles naissent les beaux dessins soumis à notre examen, n’a pas cru devoir tirer encore parti du secret qu’il tenait de l’honorable confiance de M. Daguerre. Il a pensé qu’avant d’entrer dans la large carrière de recherches que les procédés photographiques viennent d’ouvrir aux physiciens, il était de sa délicatesse d’attendre qu’une rémunération nationale eût mis les mêmes moyens d’investigation aux mains de tous les observateurs. Nous ne pourrons donc guère, en parlant de l’utilité scientifique de l’invention de notre compatriote, procé- der que par voie de conjectures. Les faits, au reste, sont clairs, palpables, et nous avons peu à craindre que l’avenir nous démente. La préparation sur laquelle M. Daguerre opère est un réactif beaucoup plus sensible à l’action de la lumière que tous ceux dont on s’est servi jusqu’ici. Jamais les rayons de la lune, nous ne disons pas à l’état naturel, mais condensés au foyer de la plus grande lentille, au foyer du plus large miroir réfléchissant, n’avaient produit d’effet physique perceptible. Les lames de plaqué préparées par M. Daguerre, blanchissent au contraire à tel point sous l’action de ces mêmes rayons et des opérations qui lui succèdent, qu’il est permis d’espérer qu’on pourra faire des cartes photogéniques de notre satellite. C’est dire qu’en quelques minutes on exécutera un des travaux les plus longs, les plus minutieux, les plus délicats de l’astronomie. Une branche importante des sciences d’observation et de calcul, celle qui traite de l’in- tensité de la lumière, la photométrie , a fait jusqu’ici peu de progrès. Le physicien arrive assez bien à déterminer les intensités comparatives de deux lumières qu’il aperçoit simul- tanément ; mais on n’a que des moyens imparfaits d’effectuer cette comparaison, quand la condition de simultanéité n’existe pas ; quand il faut opérer sur une lumière visible à pré- sent et une lumière qui ne sera visible qu’après et lorsque la première aura disparu. Les lumières artificielles de comparaison auxquelles, dans le cas dont nous venons de parler, l’observateur est réduit à avoir recours, sont rarement douées de la permanence, de la fixité désirables ; rarement, et surtout quand il s’agit des astres, nos lumières artificielles ont la blancheur nécessaire. C’est pour cela qu’il y a de fort grandes différences entre les déterminations des intensités comparatives du soleil et de la lune, du soleil et des étoiles, données par des savants également habiles ; c’est pour cela que les conséquences sublimes qui résultent de ces dernières comparaisons, relativement à l’humble place que notre soleil doit occuper parmi les milliards de soleils dont le firmament est parsemé, sont encore entourées d’une certaine réserve, même dans les ouvrages des auteurs les moins timides. N’hésitons pas à le dire, les réactifs découverts par M. Daguerre hâteront les progrès d’une des sciences qui honorent le plus l’esprit humain. Avec leur secours, le physicien pourra procéder, désormais, par voie d’intensités absolues : il comparera les lumières par 1833 1839 De l’été 1833 jusqu’à l’automne 1839 1. Arago encore.
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