Niépce correspondance et papiers
N IEPCE 1203 M. Niépce se rendit en Angleterre en 1827. Dans le mois de décembre de cette même année, il pré- senta un mémoire sur ses travaux photographiques à la Société Royale de Londres. Le mémoire était accompagné de plusieurs échantillons sur métal, produit des méthodes déjà découvertes alors par notre compatriote. A l’occasion d’une réclamation de priorité, ces échantillons, encore en bon état, sont loyale- ment sortis naguère des collections de divers savants anglais. Ils prouvent, sans réplique, que pour la copie photographique des gravures , que pour la formation, à l’usage des graveurs, de planches à l’état d’ébauches avancées, M. Niépce connaissait, en 1827, le moyen de faire correspondre les ombres aux ombres, les demi teintes aux demi-teintes, les clairs aux clairs ; qu’il savait de plus, ses copies une fois engendrées, les rendre insensibles à l’action ultérieure et noircissante des rayons solaires. En d’autres termes, par le choix de ses enduits, l’ingénieux expérimentateur de Châlons résolut, dès 1827, un problème qui avait défié la haute sagacité d’un Wedgwood, d’un Humphry Davy. L’acte d’association (enregistré) de MM. Niépce et Daguerre, pour l’exploitation en commun des méthodes photographiques, est du 14 décembre 1829. Les actes postérieurs, passés entre M. Isidore Niépce fils, comme héritier de son père, et M. Daguerre, font mention, premièrement, de perfectionnements appor- tés par le peintre de Paris aux méthodes du physicien de Châlons ; en second lieu, de procédés entièrement neufs, découverts par M. Daguerre, et doués de l’avantage (ce sont les propres expressions d’un des actes) «de reproduire les images avec soixante ou quatre-vingt fois plus de promptitude» que les procédés anciens. Dans ce que nous disions tout-à-l’heure des travaux de M. Niépce, on aura sans doute remarqué ces mots restrictifs : pour la copie photographique des gravures . C’est qu’en effet, après une multitude d’essais infructueux, M. Niépce avait, lui aussi, à peu près renoncé à reproduire les images de la chambre obscure ; c’est que les préparations dont il faisait usage ne noircissaient pas assez vite sous l’action lumineuse ; c’est qu’il lui fallait dix à douze heures pour engendrer un dessin ; c’est que, pendant de si longs intervalles de temps, les ombres portées se déplaçaient beaucoup ; c’est qu’elles passaient de la gauche à la droite des objets ; c’est que ce mouvement, partout où il s’opérait, donnait naissance à des teintes plates, uniformes ; c’est que dans les produits d’une méthode aussi défectueuse, tous les effets résultant des contrastes d’ombre et de lumière étaient perdus ; c’est que, malgré ces immenses inconvénients, on n’était pas même toujours sûr de réussir ; c’est qu’après des précautions infinies, des causes insaisissables, fortuites, fai- saient qu’on avait tantôt un résultat passable, tantôt une image incomplète, ou qui laissait ça et là de larges lacunes ; c’est, enfin, qu’exposés aux rayons solaires, les enduits sur lesquels les images se dessinaient, s’ils ne noircissaient pas, se divisaient, se séparaient par petites écailles (I). [Suite p. 1207] (I) Note : Voici une indication abrégée du procédé de M. Niépce et des perfectionnements que M. Daguerre y apporta 1 . 1. Attention ! La description qui suit ne correspond à aucun procédé. Il s’agit d’un mélange entre l’héliogra- phie au bitume et le physautotype, sans que l’un ou l’autre de ces procédés ne soit parfaitement énoncé. Il est évident que c’est depuis nos travaux sur la re-découverte du physautotype en 1992, que l’on peut com- prendre cette confusion faite par Arago. Confusion regrettable, car le rapport d’Arago prit dès les débuts de la photographie une place de premier plan, comme texte de référence sur les travaux de Niépce. C’est dans ces lignes qu’il faut voir l’origine de l’interprétation erronée, bien que répandue unanimement, selon laquelle le bitume blanchirait à la lumière pour donner directement des images positives. Il est surprenant que Daguerre ait publié ce texte en regard de la Notice sur l’héliographie où Niépce déclarait, à propos de la plaque enduite du vernis vermeil au bitume : « même après y [à la lumière] avoir été exposée assez de temps pour que l’effet ait eu lieu, rien n’indique qu’il existe réellement ; car l’empreinte reste inaperçue », prouvant de manière indiscutable l’absence de changement de couleur du bitume à la lumière. Pour l’ana- lyse détaillée de cette note d’Arago on lira l’étude que nous avons publiée (C.R.A.S. t. 325, série II b, 1997, p. 415 et J.L.M. p. 422). 636 1833 1839
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