Niépce correspondance et papiers

1204 C ORRESPONDANCE ET PAPIERS M. N iepce faisait dissoudre du bitume sec de Judée dans le l’huile de lavande. Le résultat de cette évaporation était un vernis épais que le physicien de Châlon appliquait par tampon- nement sur une lame métallique polie, par exemple, sur du cuivre plaqué, ou recouvert d’une lame d’argent. La plaque, après avoir été soumise à une douce chaleur, restait couverte d’une couche adhé- rente et blanchâtre : c’était le bitume en poudre. La planche ainsi recouverte était placée au foyer de la chambre noire. Au bout d’un certain temps on apercevait sur la poudre de faibles linéaments de l’image. M. Niépce eut la pen- sée ingénieuse que ces traits, peu perceptibles, pourraient être renforcés. En effet, en plon- geant sa plaque dans un mélange d’huile de lavande et de pétrole, il reconnut que les régions de l’enduit qui avaient été exposées à la lumière restaient intactes , tandis que les autres se dissolvaient rapidement et laissaient ensuite le métal à nu. Après avoir lavé la plaque avec de l’eau, on avait donc l’image formée dans la chambre noire, les clairs corres- pondant aux clairs et les ombres aux ombres. Les clairs étaient formés par la lumière dif- fuse, provenant de la matière blanchâtre et non polie du bitume ; les ombres, par les par- ties polies et dénudées du miroir : à la condition, bien entendu, que ces parties se miraient dans les objets sombres ; à la condition qu’on les plaçait dans une telle position qu’elles ne pussent pas envoyer spéculairement vers l’œil quelque lumière un peu vive. Les demi- teintes, quand elles existaient, pouvaient résulter de la partie du vernis qu’une pénétration partielle du dissolvant avait rendue moins mate que les régions restées intactes. Le bitume de Judée, réduit en poudre impalpable, n’a pas une teinte blanche bien pronon- cée. On serait plus près de la vérité en disant qu’il est gris. Le contraste entre les clairs et l’ombre, dans les dessins de M. Niépce , était donc très peu marqué. Pour ajouter à l’effet, l’auteur avait songé à noircir, après coup, les parties nues du métal, à les faire attaquer soit par le sulfure de potasse, soit par l’iode ; mais il paraît n’avoir pas songé que cette dernière substance, exposée à la lumière du jour, aurait éprouvé des changements continuels. En tous cas, on voit que M. Niépce ne prétendait pas se servir d’iode comme substance sen- sitive 1 ; qu’il ne voulait l’appliquer qu’à titre de substance noircissante, et seulement après la formation de l’image dans la chambre noire ; après le renforcement ou, si on l’aime mieux, après le dégagement de cette image par l’action du dissolvant. Dans une pareille opération que seraient devenues les demi-teintes ? Au nombre des principaux inconvénients de la méthode de M. Niépce , il faut ranger cette circonstance qu’un dissolvant trop fort enlevait quelquefois le vernis par places, à peu près en totalité, et qu’un dissolvant trop faible ne dégageait pas suffisamment l’image. La réus- site n’était jamais assurée. M. Daguerre imagina une méthode qu’on 2 appela la méthode Niépce perfectionnée . 3 Il sub- stitua d’abord le résidu de la distillation de l’huile de lavande au bitume, à cause de sa plus grande blancheur et de sa plus grande sensibilité. Ce résidu était dissous dans l’alcool ou dans l’éther. Le liquide déposé ensuite en une couche très mince et horizontale sur le métal y laissait, en s’évaporant, un enduit pulvérulent uniforme, résultat qu’on n’obtenait pas par tamponnement. Après l’exposition de la plaque, ainsi préparée, au foyer de la chambre noire, M. Daguerre 1833 1839 1 De l’été 1833 jusqu’à l’automne 1839 1. Daguerre publiera « à sensitive ». 2. Qui ? Cette formulation donne l’impression d’une méthode connue alors qu’elle était demeurée secrète jus- qu’à ce jour. 3. La description qui suit est bien celle du physautotype.

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