Niépce correspondance et papiers
1206 C ORRESPONDANCE ET PAPIERS intensité ces demi-teintes se rapprochaient plus ou moins des parties claires ou des parties noires. En s’aidant de la faible lumière d’une chandelle, l’opérateur peut suivre, pas à pas, la formation graduelle de l’image ; il peut voir la vapeur mercurielle, comme un pinceau de la plus extrême délicatesse, aller marquer du ton convenable chaque partie de la plaque. L’image de la chambre noire ainsi reproduite, on doit empêcher que la lumière du jour ne l’altère. M. Daguerre arrive à ce résultat, en agitant la plaque dans de l’hyposulfite de soude et en la lavant ensuite avec de l’eau distillée chaude. D’après M. Daguerre , l’image se forme mieux sur une lame de plaqué (sur une lame d’ar- gent superposée à une lame de cuivre), que sur une lame d’argent isolée. Ce fait, en le sup- posant bien établi, semblerait prouver que l’électricité joue un rôle dans ces curieux phé- nomènes. La lame de plaqué doit être d’abord poncée, et décapée ensuite avec l’acide nitrique étendu d’eau. L’influence si utile que joue ici l’acide, pourrait bien tenir, comme le pense M. Pelouze 1 , à ce que l’acide enlève à la surface de l’argent les dernières molécules de cuivre. Quoique l’épaisseur de la couche jaune d’iode, d’après diverses pesées de M. Dumas 2 , ne semble pas devoir s’élever à un millionième de millimètre ; il importe, pour la parfaite dégra- dation des ombres et des lumières, que cette épaisseur soit exactement la même partout. M. Daguerre empêche qu’il se dépose plus d’iode aux bords qu’au centre, en mettant autour de sa plaque une languette du même métal, large d’un doigt 3 et qu’on fixe avec des clous sur la tablette en bois qui porte le tout. On ne sait pas encore expliquer d’une manière satis- faisante, le mode physique d’action de cette languette. Voici une circonstance non moins mystérieuse : si l’on veut que l’image produise le maxi- mum d’effet dans la position ordinaire des tableaux (dans la position verticale), il sera nécessaire que la plaque se présente sous l’inclinaison de 45°, au courant ascendant verti- cal de la vapeur mercurielle. Si la plaque était horizontale au moment de la précipitation du mercure, au moment de la naissance de l’image, ce serait sous l’angle de 45° qu’il fau- drait la regarder pour trouver le maximum d’effet. Quand on cherche à expliquer le singulier procédé de M. Daguerre , il se présente immé- diatement à l’esprit l’idée que la lumière, dans la chambre obscure, détermine la vaporisa- tion de l’iode partout où elle frappe la couche dorée ; que là le métal est mis à nu ; que la vapeur mercurielle agit librement sur ces parties dénudées, pendant la seconde opération, et y produit un amalgame blanc et mat ; que le lavage avec l’hyposulfite a pour but, chimi- quement, l’enlèvement dont la lumière n’a pas produit le dégagement ; artistiquement, la mise à nu des parties miroitantes qui doivent faire les noirs. Mais dans cette théorie, que seraient ces demi-teintes sans ombre et si merveilleusement dégradées qu’offrent les dessins de M. Daguerre ? Un seul fait prouvera d’ailleurs que les choses ne sont pas aussi simples : La lame de plaqué n’augmente pas de poids d’une manière appréciable en se couvrant de la couche d’iode jaune d’or. L’augmentation, au contraire, est très sensible sous l’action de la vapeur mercurielle ; eh bien ! M. Pelouze s’est assuré qu’après le lavage dans l’hyposul- fite, la plaque, malgré la présence d’un peu d’amalgame à la surface, pèse moins qu’avant de commencer l’opération . L’hyposulfite enlève donc l’argent. L’examen chimique du liquide montre qu’il en est réellement ainsi. 1833 1839 1 De l’été 1833 jusqu’à l’automne 1839 1. Le chimiste Théophile-Jules Pelouze (1807-1867). Il était membre de l’Académie des Sciences depuis 1837. 2. V. 615n. 3. Daguerre publiera « large de 6 millimètres environ, » (op. cit. p. 18).
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