Niépce correspondance et papiers

1208 C ORRESPONDANCE ET PAPIERS que les nouveaux procédés se distingueront par l’économie, genre de mérite qui, pour le dire en passant, marche rarement dans les arts avec la perfection des produits. Se demande-t-on, enfin, si l’art, envisagé en lui-même, doit attendre quelques progrès de l’examen, de l’étude de ces images dessinées par ce que la nature offre de plus subtil, de plus délié : par des rayons lumineux ? M. Paul Delaroche va nous répondre. Dans une note rédigée à notre prière, ce peintre célèbre déclare que les procédés de M. Daguerre «por- tent si loin la perfection de certaines conditions essentielles de l’art, qu’ils deviendront pour les peintres, même les plus habiles, un sujet d’observations et d’études.» Ce qui frappe dans les dessins photographiques, c’est que «le fini d’un précieux inimaginable, ne trouble en rien la tranquillité des masses, ne nuit en aucune manière à l’effet général». «La correction des lignes,» dit ailleurs M. Delaroche, «la précision des formes est aussi complète que possible dans les dessins de M. Daguerre et l’on y reconnaît en même temps un modelé large, énergique, et un ensemble aussi riche de ton que d’effet.... Le peintre trouvera dans ce procédé un moyen prompt de faire des collections d’études qu’il ne pourrait obtenir autrement qu’avec beaucoup de temps, de peine et d’une manière bien moins parfaite, quel que fût d’ailleurs son talent.» Après avoir com- battu par d’excellents arguments les opinions de ceux qui se sont imaginé que la photographie nuirait à nos artistes et surtout à nos habiles graveurs, M. Delaroche termine sa note par cette réflexion : «En résumé, l’admirable découverte de M. Daguerre est un immense service rendu aux arts.» Nous ne commettrons pas la faute de rien ajouter à un pareil témoignage. Parmi les questions que nous nous sommes posées, figure nécessairement celles de savoir si les méthodes photographiques pourront devenir usuelles. Sans divulguer ce qui est, ce qui doit rester secret jusqu’à l’adoption, jusqu’à la promulgation de la loi, nous pouvons dire que les tableaux sur lesquels la lumière engendre les admirables dessins de M. Daguerre, sont des tables de plaqué, c’est à dire des planches de cuivre recouvertes sur une de leurs faces d’une mince feuille d’argent. Il eût été sans doute préférable pour la commodité des voyageurs et, aussi, sous le point de vue économique, qu’on pût se servir de papier. Le papier imprégné de chlorure ou de nitrate d’argent fut, en effet, la première substance dont M. Daguerre fit choix ; mais le manque de sensi- bilité, la confusion des images, le peu de certitude des résultats, les accidents qui résultaient souvent de l’opération destinée à transformer les clairs en noirs et les noirs en clairs, ne pouvaient manquer de décou- rager un si habile artiste. S’il eût persisté dans cette première voie, ses dessins photographiques figure- raient peut-être dans les collections, à titre de produits d’une expérience de physique curieuse ; mais, assu- rément, les Chambres n’auraient pas eu à s’en occuper. Au reste, si trois ou quatre francs, prix de chacune des plaques dont M. Daguerre fait usage, paraissent un prix élevé, il est juste de dire que la même planche peut recevoir successivement cent dessins différents. Le succès inouï de la méthode actuelle de M. Daguerre tient en partie à ce qu’il opère sur une couche de matière d’une minceur extrême, sur une véritable pellicule. Nous n’avons donc pas à nous occuper du prix des ingrédients qui la composent. Ce prix, par sa petitesse, ne serait vraiment pas assignable. Le Daguerréotype ne comporte pas une seule manipulation qui ne soit à la portée de tout le monde. Il ne suppose aucune connaissance de dessin, il n’exige aucune dextérité manuelle. En se conformant, de point en point, à certaines prescriptions très simples et très peu nombreuses, il n’est personne qui ne doive réussir aussi certainement et aussi bien que M. Daguerre lui-même. La promptitude de la méthode est peut-être ce qui a le plus étonné le public. En effet, dix à douze minutes sont à peine nécessaires, dans les temps sombres de l’hiver, pour prendre la vue d’un monument, d’un quartier de ville, d’un site. En été, par un beau soleil, ce temps peut être réduit de moitié. Dans les climats du Midi, deux à trois minutes suffiront certainement. Mais, il importe de le remarquer, ces dix à douze minutes d’hiver, ces cinq à six minutes d’été, ces deux à trois minutes des régions méridionales, expriment seulement le temps pen- 1833 1839 De l’été 1833 jusqu’à l’automne 1839

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