Niépce correspondance et papiers
N IEPCE 12 59 S. 2 4 fou, excitant la pitié de ses amis et de sa famille ; qu’il s’est ruiné ; qu’il a ruiné sa femme et ses enfants à la recherche d’une chimère ; il est superflu de vous dire que tout cela est faux, archi faux ; vous le savez aussi bien que moi si vous avez jamais lu les admirables lettres de votre père et de votre oncle. L’ouvrage de M. Figuier, de même que ceux des autres auteurs qui ont écrit sur la pho- tographie // ont bien plutôt fait l’histoire des progrès et des différents procédés de cette science, que l’histoire de la découverte de cet art, proprement dite ; l’histoire de la décou- verte ne tient qu’une très petite place, seulement quelques pages, plus ou moins pleines d’erreurs, que j’ai soin de relever dans mon livre. Mon travail ne contient que l’histoire de la découverte et nullement l’histoire des progrès de la photographie ; et il n’a par consé- quent aucun rapport avec ce qui a été fait jusqu’à présent. J’ai communiqué à plusieurs per- sonnes des fragments de mon livre et des lettres de M. votre père ; elles ont bien voulu me dire que ce livre fera sensation : j’en accepte l’augure. Tout le monde, comme nous, déplore l’oubli où on laisse votre père ; cependant plu- sieurs membres influents de notre Conseil municipal me font espérer que mon livre sera un stimulant pour donner suite à notre vieux projet. Attendons donc le résultat des pro- messes qui me sont faites. ( Quant ) à s’adresser soit au Conseil d’arrondissement, soit au Conseil général ce serait, selon moi, suivre un chemin dangereux ; car nous avons pour ennemi acharné : Mâcon, et c’est à l’influence de cette ville que nous devons l’échec que nous avons éprouvé ; Mâcon voudrait posséder la statue de votre père à titre de chef-lieu ; et si on adressait une demande au Conseil général, l’affaire deviendrait une affaire dépar- tementale, et Chalon ne possèderait rien ; il faut attendre. Je terminerai mon manuscrit le mois prochain, mais le livre ne sera imprimé que vers la fin de juillet. Veuillez, cher Monsieur, agréer de nouveau l’assurance de mes sentiments les plus dévoués. Fouque P.S Mme Fouque a été très sensible à vos bons souvenirs ; elle me charge de vous le témoigner et d’être son interprète auprès de vous et de Mme Niépce de ses respectueux compliments ; sentiments que je partage [en tout point] . intrépidement aux questions les plus élevées et les plus graves, comme un enfant insouciant et curieux touche, en se jouant, aux ressorts d’une machine immense, et parfois ils arrivent ainsi à des résultats si étranges, à de si prodigieuses inventions, que les véritables savants en restent eux-mêmes confondus d’ad- miration et de surprise [...]. Il est donc prudent de ménager un peu cette race utile des demi-savants. C’est peut-être parce que Niepce n’était qu’un demi-savant que la photographie existe.Assurément,si Niepce eût été un savant complet, il n’eût pas ignoré qu’en se proposant de créer des images, par l’action chimique de la lumière, il se posait en face des plus graves difficultés de la science humaine ; il se fût rappelé qu’en Angleterre l’illustre Humphry Davy, le patient Vedgewood, après mille essais infructueux avaient déclaré le problème insoluble. Le jour où cette pensée audacieuse entra dans son esprit, il l’eût donc reléguée aussi- tôt à côté des rêveries de Wilkins ou de Cyrano de Bergerac ; il eût tout au plus poussé un soupir de regret et passé outre. Heureusement pour la science et pour les arts, Niepce n’était savant qu’à moitié. Il ne s’ef- fraya donc pas trop des difficultés qui l’attendaient [...] » (L.F.1).
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