Niépce correspondance et papiers

12 86 C ORRESPONDANCE ET PAPIERS Supplément S. 55 Article de presse 1 Paris, 15 février 1868. Critique du livre de Fouque par Alfred d’Aunay. UNE GLOIRE A LA MER Pour les savants qui se sont occupés de photographie, il n’y a plus de doute depuis longtemps sur la question que je vais trai- ter. Mais pour les masses, Daguerre s’est créé une gloire impérissable. Il a attaché son nom à la découverte du daguerréotype, qui passe, bien à tort, comme le point de départ de toutes les inventions ayant trait à la fixa- tion des images par la lumière, sur métal, sur verre ou sur papier. Donc Daguerre est un grand homme aux yeux de beaucoup de gens. A Dieu ne plaise que je veuille lui enlever tout mérite. Il a contribué puissamment, par son entre- gent, par sa recherche habile de tous les moyens de publicité, à donner à la science nouvelle un grand développement. Sans lui, la photographie serait peut-être encore à l’état de sujet d’études dans le laboratoire des savants. Grâce à lui au contraire, elle est devenue presque aussitôt, après qu’une de ses formules a été trouvée, une industrie populaire, au perfectionnement de laquelle une foule d’hommes de théorie et de pra- tique, ont immédiatement travaillé. C’est là, je le répète, une chose connue dans un certain monde, mais des intéressés se sont interposés entre la vérité et le public, et si tout le monde connaît Daguerre, bien peu de gens connaissent Nicéphore Niepce, le véritable inventeur. Notez bien que Niepce n’a pas trouvé seulement le principe sur lequel se sont basées toutes les inventions de ses succes- seurs. Il a tout prévu, tout étudié, tout essayé, jusqu’à cette merveilleuse gravure héliographique, qui a valu à M. Garnier le grand prix de l’Exposition universelle de 1867. Le génie de Niepce avait tout embrassé dès le premier jour, et la collaboration —dont on appréciera l’importance— du trop célèbre Daguerre, n’a eu pour résultat que de retarder l’heure du résultat définitif. Un compatriote de Niepce, M. Victor Fouque, m’envoie un livre, qu’il vient de publier, et qui n’est écrit absolument, que sur des documents authentiques, des lettres, des actes, des autographes irrécu- sables ( La Vérité sur l’invention de la photo- graphie, à la librairie des Auteurs drama- tiques, 10 rue de la Bourse). Le livre, que j’analyse rapidement, est le premier ouvrage qui donne à chacun sa part exacte de mérite et qui, par ses révélations inat- tendues, peut enfin arrêter les enthou- siastes qui n’hésiteraient pas à pétrir de leurs mains la statue de Daguerre au moment où celle de Niepce ne trouve pas un nombre suffisant de souscripteurs [...] 2 . En janvier 1826, Daguerre écrit à Niepce qu’il a entendu parler de ses tra- vaux, et que lui, Daguerre, en ayant fait du même genre, il voudrait bien connaître ceux de son confrère de Chalon. Niepce conçoit d’abord une grande défiance. Mais peu à peu, sa loyale nature se détend, et il arrive à Paris, où la réputation de Daguerre, tambourinée par l’opticien écrivain Charles Chevalier, l’éblouit. Il consent donc, le 14 décembre 1829, à signer un traité dans lequel les deux associés s’en- gagent mutuellement à se confier, sous le sceau du secret, leurs découvertes réci- proques. 1. Publ. in Le Figaro du 15 février 1868 (p. 3). 2. Suit un exposé sommaire des faits tels qu’ils sont vus par Fouque.

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