Niépce correspondance et papiers

1298 C ORRESPONDANCE ET PAPIERS Appendice cachette et de lui porter mes dessins, aussi ne m’en recevait-il que mieux, d’après la recon- naissance et la confiance que je lui témoignais. A cette époque, un sculpteur de Paris venant s’établir à Châlons, et la manie des provinces étant de vanter fort tout ce qui vient de la capitale, mes parents se décidèrent à me placer chez cet artiste, et ne chérissant pas moins la sculpture que la peinture, j’en éprouvai autant de plaisir que mon Mécène en ressentit de peine, craignant que je n’abandonnasse la peinture. Mais combien de regrets n’eus-je pas ensuite lorsque je reconnus que ce maître n’était qu’un sculpteur d’orne- ments, qui néanmoins, ainsi que dans la province où il faut faire de tout, se chargeait, sans en être capable, d’exécuter des statues pour les églises de campagne. Il me donnait donc à en faire les modèles, ce qui me plaisait beaucoup, vu que cela me fournissait l’occasion de mettre au jour mes premiers essais, et de m’occuper tour à tour des trois arts du dessin, sans cesser de désirer ardemment d’aller à Paris et surtout à Rome. Jusque là, je menais une vie heureuse et selon mes goûts ; mais bientôt elle cessa de l’être par le plus grand des malheurs que puisse éprouver un jeune homme à peine à son troisième lustre 1 , car je perdis ma mère, qui m’aimait avec tendresse et dont les soins avaient fortifié mon tempérament naturellement très-délicat. Quelle terrible épreuve pour un âge où j’avais encore besoin d’elle! il me semblait être abandonné de la nature. Adieu ces caresses maternelles, cet intérêt si tendre dont le souvenir me fait encore répandre des larmes! Après ce malheureux événement, mon père se remaria, et il s’en fallut de beaucoup que 2 App. III DISSERTATION D’ANTOINE NIEPCE A supposer même qu’on le considère comme flatteur, le qualificatif de « bricoleur de génie » par lequel on a désigné Nicéphore 3 , est impropre. Avant de méconnaître ses travaux, c’est méconnaître le langage scientifique et technique de son temps. Il faut croire que le ton des documents laissés par l’inventeur est à l’origine de cette erreur d’appréciation. A cet égard, le procès-verbal où la « dissertation » d’Antoine Niepce 4 se trouve consi- gnée, est d’autant plus exemplaire que l’entreprise qui en fait l’objet n’a rien d’un divertis- sement. C’est du moins l’idée que nous nous faisons de la très solennelle « reconnaissance des nouvelles mesures à grains » qui, en juin 1773, réunit tout ce que Lyon comptait d’in- génieurs, mathématiciens, maîtres pérolliers et autres échantilleurs jurés. Agé de vingt-huit ans, résidant à Lyon, Antoine Niepce y est alors secrétaire particu- lier de M. le Lieutenant général de Police 5 , chef des bureaux, installé dans l’hôtel de Prost de Royer 6 . 1. Son quinzième anniversaire donc. 2. Ici s’arrête la transcription du manuscrit de Boichot par Lebas de Courmont qui a précisé que ce sont les « seuls documents sur la vie de cet artiste » qui lui ont été « remis » (op. cit. p. 11). A signaler une intéressante analyse publiée par J. Guillemin, à partir de vingt deux lettres inédites de Boichot (M.S.H.A.C. 1872 t.V). 3. Michel Nuridsany (L.F. 26/01/1989). 4. Né en 1744, mort en 1777. Dixième enfant de Jean-Baptiste Niepce et de Claudine Canot. Il appartenait à la branche aînée des Niepce, dite de Tournus, qui devait s’éteindre en 1814 (L.A.C. pp. 29-30). Au même titre que son cousin germain l’ingénieur des Ponts (v. App. VII § 4), Antoine était le cousin issu de germain de Nicéphore. Nous avons évoqué Jean-Baptiste, l’un de ses frères aînés (v. 247n). 5. Antoine François Prost de Royer (1728-1784). Grande figure de la vie lyonnaise. Il créa, pour ainsi dire, la police de Lyon. Sa mère, Jeanne Grenelle, étant d’une famille distinguée de Tournus, on peut penser que c’est par son intermédiaire qu’Antoine avait obtenu son poste. 6. L’hôtel familial donc.

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