Niépce correspondance et papiers
1322 C ORRESPONDANCE ET PAPIERS Appendice amenèrent aussi vers 1788 1 , un homme devenu bien grand dans l’Histoire: Napoléon. Des troubles ayant eu lieu à Seurre par suite de la disette du blé, le jeune sous-lieutenant Bonaparte y fut envoyé d’Auxonne avec un détachement de troupes. Présenté à M. Prieur, il se plut bientôt dans son salon dont les honneurs étaient faits avec tant de grâce par Madame Prieur, et pendant tout son séjour à Seurre, il fut l’un des familiers de la maison, sans perdre, même au temps de sa grandeur, le souvenir de cette aimable hospitalité. Aussi, quand quelques années plus-tard, Bonaparte général en chef de l’armée d’Egypte dut ren- trer en France, il s’arrêta à Sennecey où habitait alors Madame Prieur et lui fit une visite de plu- sieurs heures avec Denon qui l’accompagnait. Plus tard, quand devenu empereur, il se rendit en Italie avec Joséphine pour recevoir à Milan la couronne d’Italie, il reçut avec non moins de bonté Madame Prieur qui était allée au devant de lui à Chalon et voulut l’attacher à la maison de sa mère. Quelques années après, Napoléon montra encore que même les événements les plus graves ne lui faisaient pas oublier ceux dont il avait reçu un jour une cordiale hospitalité. C’était pourtant la guerre de Prusse; notre armée faisait le siège des places fortes de Silésie. Le neveu de Madame Prieur, David Niepce 2 — mon grand-père — alors attaché à l’état-major du comte Hédouville, se trouvait devant Glogau. Le quartier général de l’Empereur était à quelque distance de cette ville; mais chaque soir un officier d’état-major devait aller rendre compte à Napoléon des progrès du siège. Un jour ce fut au tour du jeune capitaine Niepce de se rendre au quartier général. Il y arrive à une heure avancée de la nuit. Un aide de camp réveille l’Empereur qui habitait une mau- vaise chaumière, et introduit le messager. L’Empereur, vêtu seulement d’un caleçon, déploie par terre un vaste plan de Glogau et le capitaine Niepce placé à côté de lui, lui explique à l’aide d’épingles noires et rouges les travaux d’attaque et de défense. Quand le rapport fut terminé, l’Empereur dit au capitaine Niepce: – C’est bien, votre nom? Le capitaine d’état-major Niepce? Puis, pendant un moment de silence, l’Empereur semble consulter sa mémoire. Enfin il ajoute: – Capitaine, seriez-vous d’une famille de ce nom que j’ai connue en Bourgogne? Votre père, votre oncle, Monsieur et Madame Prieur existent-ils encore? – Mon père répondit le capitaine Niepce est conservateur des Eaux & Forêts à Moulins, mon oncle a succombé à la Terreur, et ma tante, sa veuve 3 , est retirée dans ses propriétés. L’Empereur semblait heureux d’entendre parler d’anciens amis, et il dit du ton le plus bien- veillant: lui-même fils du colonel. Il suffit d’avoir consulté quelques uns de ses ouvrages monumentaux, solidement étayés, pour comprendre que Léopold Niepce n’était pas homme à se satisfaire de fables. A la suite de son décès, l’Express du 27 août 1898 lui rendit cet hommage : « Ce qui aux yeux de tous, lui sera un titre ineffa- çable à la reconnaissance des Lyonnais et surtout des hommes de lettres et des érudits, c’est la réorganisa- tion de nos dépôts artistiques, archéologiques et littéraires qui étaient dans le plus complet désarroi et menacés des pires éventualités. Il déploya dans cette tâche délicate une intelligence, une activité, un zèle, un dévouement infatigables. Par ses soins, par l’influence dont il jouissait auprès de plusieurs de nos pré- fets, les bibliothèques de nos archives furent remises en état ». Le manuscrit d’Ernest Niepce exista en plu- sieurs exemplaires. Outre celui dont M. Jean-Régis Arthaud, descendant du colonel Niepce, a bien voulu nous donner une photocopie intégrale (120 pages in folio), nous en connaissons un autre. Nous ignorons ce qu’est devenu celui dont Louis Armand-Calliat a tiré ses Notes sur la famille Niépce .Cet exemplaire fit l’ob- jet d’un « don de M me Dufour-Gailler et de M. Emile Germain au musée de Chalon [Denon] le 24 juin 1965 » (L.A.C.2 p. 4 n. 1). 1. En réalité 1789, on le verra plus loin. 2. V. App. XVI. 3. Autrement dit Pierrette.
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