Niépce correspondance et papiers
N IEPCE 1331 App. VIII tement des mesures pour parer au manque de subsistances: une commission ayant à sa tête Pierre Robert, chevalier de Saint-Louis, fut chargé de pourvoir aux achats de grains et, grâce à sa diligence, la ville, en peu de temps, se constitua un grenier d’approvisionnement important. Pour éviter toute tentation d’enlèvement, les grains furent déposés à l’hôtel de ville même, dans la salle des délibérations, qui eurent lieu alors dans la chambre de police. La ville n’ayant pas de caserne, la troupe, officiers et soldats, était logée chez l’habitant 1 . Le billet de logement que le bureau militaire avait délivré au lieutenant Bonaparte, était au nom de M. Lambert, procureur, Grande Rue n° 13. Le logis du procureur Lambert était élevé d’un étage sur le rez-de-chaussée, desservi par un couloir sur la rue; le lieutenant Bonaparte eut l’une des chambres de l’étage. La famille de Lambert se composait de sa femme, née Butard, et de leur fille Julie, alors âgée de 17 ans. On a raconté que le procureur avait sollicité l’honneur de loger le jeune officier pendant son séjour à Seurre. La vérité paraît plus simple. Si Bonaparte loga chez Lambert, c’est que, sur le rôle des logements militaires, le tour de celui-ci était arrivé. Du reste, alors qu’il ne tenait qu’au pro- cureur de conserver plus longtemps son hôte, nous voyons Bonaparte transporter, à la fin d’avril, sa cantine chez Madame Philipet, au domicile de laquelle il acheva son temps de garnison. Si Lambert ne l’a pas retenu, c’est que Bonaparte, alors profondément inconnu, était chez lui un officier comme un autre, plutôt considéré comme y apportant une charge. Sans doute se montra-t-il poli pour le jeune lieutenant: il fut invité à prendre part à quelques dis- tractions de la famille, on le présenta, et avec lui ses camarades officiers, dans quelques maisons notables, notamment chez M. des Montots, parent de Madame Lambert, mais tout cela ne dépassa guère les bornes de la vieille politesse. On a avancé aussi que Bonaparte fit un brin de cour à M lle . Lambert. C’était dans les usages de l’époque. Il avait vingt ans, elle en avait dix-sept: quoi de plus naturel? Bonaparte était studieux. N’ayant d’autre ressource que sa solde, le travail était son refuge. On sait combien il aimait la lecture; ses livres le suivaient partout. Il avait apporté à Seurre l’Histoire des Arabes, de Marigny et l’Histoire du gouvernement de Venise, d’Amelot de la Houssaye. De plus M. Lambert ayant mis sa bibliothèque à sa disposition, il y faisait de larges emprunts et, dans ses excursions, avait toujours soin de se munir d’un livre. Un jour qu’il l’avait sans doute oublié, il envoya ce billet: “Je prie M. Lambert de remettre au porteur le 3 e volume des Révolutions d’Angleterre et l’en remercie d’avance”. Signé Buonaparte. En ville, “notre petit officier maigre et de tenue négligée, ne fait pas brillante figure: sous un cha- peau rond aux ailes relevées et agrafées d’une cocarde de basin blanc, de longs cheveux châtains encadrent une face pâle et soucieuse. Dans son habit de drap bleu de roi à parements rouges, son torse semble un peu long, ses jambes sont un peu courtes dans sa culotte à pont-levis; l’épée bat ses mollets trop minces sous leurs guêtres” 2 . Dans cette petite ville de 764 feux, les distractions étaient rares. Du reste Bonaparte préférait 1. Ib. : « Renseignements fournis, le 12 mai 1789 par la municipalité, sur les dépenses militaires de la ville :“Les officiers sont logés en nature chez l’habitant sans rien payer, la ville n’ayant pas de pavillon spécial pour ce logement. La troupe est logée chez l’habitant, la ville ne possédant pas de caserne. Pendant le séjour de la troupe, la ville ne prend à sa charge que la fourniture du bois pour le corps de garde et les ordinaires”. Signé Millot, maire,Vauthey et Leguet-Dupuys, sindic (A.D.C.O. C. 1736).Tous les habitants devaient logement aux gens de guerre. Seuls en étaient exempts : le maire, les échevins et le syndic en exercice, le subdélégué de l’intendant,le receveur du grenier à sel (comme ayant le maniement des deniers royaux :c’était alors Prieur), celui des deniers patrimoniaux, l’étapier, le directeur de la poste aux lettres, les religieux, les veuves et les filles ayant une habitation séparée (Registre de passage des troupes, A.C.D.O. E. 3274). » 2. Ib. : « Charles Foley, Echo de Paris du 22 août 1910. »
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