Niépce correspondance et papiers
1332 C ORRESPONDANCE ET PAPIERS Appendice l’étude — ses cahiers en témoignent — et aussi les promenades. Mais Seurre, à ce point de vue, pouvait le satisfaire. On citait alors le parc de Seurre comme une chose peu commune: le dernier seigneur, Jacques Batailhe de Francès avait dépensé 300.000 livres à le remettre ainsi que le châ- teau, de l’état de délabrement et d’abandon où l’avaient laissé les Condé. Le mail, auquel on arri- vait par trois larges allées plantées de quatre rangs de tilleuls, avait plus de cinquante hectares de superficie. Il était traversé en tous sens, d’allées droites ou sinueuses, bordées de peupliers, de foyards, d’ormes, de mûriers, de noisetiers, dont les rameaux touffus formaient par endroits une voûte obscure; un vaste boulingrin le séparait des maisons du faubourg. M. de Francès, sacri- fiant au goût du jour, l’avait enjolivé d’attributs champêtres ou mythologiques; on y voyait le temple de la Mollesse, la tente turque, le pavillon chinois et la ménagerie. Il y avait là la pièce de la Belle-Etoile, le carré du Mouchoir, celui de l’Oiseau, le manège, la glacière et le moulin. Du parc à l’abandon, rien ne défendait l’entrée, et, depuis longtemps, c’était le lieu des réunions joyeuses; la tolérance des propriétaires en permettait l’accès aux habitants qui, les dimanches d’été, allaient y chercher la fraîcheur sous les bosquets ombreux et les larges allées d’arbres plus que centenaires. Bonaparte aimait à s’y promener. On rapporte 1 qu’un soir, il produisit un effet étrange sur une personne de sa connaissance qu’il y rencontra. La nuit venait de se faire et le feuillage des arbres ajoutait à l’obscurité, lorsque la personne aperçut dans l’espace une couronne phosphorescente qui s’avançait à sa rencontre: c’était Bonaparte qui avait placé dans ses cheveux un certain nombre de vers luisants. “Ces insectes m’ont plu, expliqua-t-il, j’ai voulu en faire une couronne; cela doit produire un singulier effet”. La légende religieusement transmise est jolie. Dans ses promenades, Bonaparte se rendait quelquefois à Navilly où la construction d’un pont sur le Doubs l’intéressait et plus fréquemment à Trugny, petit village à peu de distance de Seurre et dépendant de la paroisse; il s’arrêtait à la ferme des Gouget, et y buvait la tasse de lait que lui offrait gracieusement Denise, l’aimable fille de la maison 2 . Louis Butard, seigneur des Montots et de Navilly-la-Ville, ancien conseiller au parlement de Bourgogne, dont la résidence principale était à Dijon, passait, depuis sa retraite, la plus grande partie de l’année à Seurre, rue aux Chevaux, dans une grande maison à l’aspect sévère, dont la distribution intérieure est encore intacte: à droite en entrant par le large couloir dallé, est le salon. Là, le vieux conseiller se plaisait à rassembler ses parents et ses amis, ses invitations étaient recherchées par la société bourgeoise de la ville qu’elles flattaient: le maire Millot, M. et M me . de Fleuriot, leur fille Magdeleine, M lle . de la Folye, Nanteuil, président du grenier à sel, Maléchard receveur des deniers, Gouget-Duval, homme de loi, le chevalier Bretagne, Prieur, rece- veur au grenier à sel et sa femme, s’y rencontraient. Mesdames Pérard et de Cléry, filles de M. des Montots, en faisaient les honneurs, avec leurs enfants. C’est là qu’un soir d’avril, “Napoulionne de Buonaparte” fut présenté avec son camarade Louis de Ménoire, par le procureur Lambert. L’arrivée des jeunes officiers était une ressource sans prix: on leur fit fête. A son tour le maire les invita à ses soirées, dans le vieux logis qu’avait habité l’un de ses prédécesseurs, le secrétaire du roi Pierre Bretagne, et la société aimable du salon des Montots s’y retrouvait avec plaisir, une ou deux fois par semaine, car si chez le vieux conseiller les conversations, où l’élément politique dominait, étaient sévères, chez le maire, par contre, on cherchait le plus possible à se divertir, on 1. Ib. : « Joigneault, Chronique de Bourgogne du 6 octobre 1844. » 2. Ib. : « Décédée à Trugny le 30 février (sic) 1828. Elle avait épousé Bonaventure Bossut, cultivateur (Chronique de Bourgogne ; Souvenirs du général Thiard) . »
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