Niépce correspondance et papiers

N IEPCE 1333 App. VIII y dansait. Bonaparte cependant prenait peu de part aux danses. Assis à l’écart, il préférait crayonner on ne sait quelles galanteries qu’il offrait ensuite aux dames. Entre temps, on revenait sur les événements politiques: Millot, partisan des opinions les plus royalistes, se posait en défenseur des traditions. Les officiers représentant les idées nouvelles, ripostaient avec chaleur. Le décor est établi, et on retrouve trace dans les papiers d’archives de tous les personnages que Bonaparte a cotoyés pendant quelques jours. Parmi les assidus de ces réunions était M me . Prieur. Pierrette Niepce, qui avait épousé Jean-Baptiste Prieur, receveur au grenier à sel de Seurre 1 , avait trente-cinq ans 2 et, n’ayant pas d’enfant, s’ennuyait: rien ne porte aux rêveries comme l’ennui dans une petite ville de province. D’un esprit et d’une beauté remarquables, elle ne tarda pas à faire impression sur Bonaparte. Des relations plus intimes s’ensuivirent: bientôt le jeune officier qui ne craignait pas de s’afficher ouvertement avec elle, passa aux yeux du public pour en être l’”adorateur” 3 . Ses fréquentations à Auxonne avec M lle . Manesca Pillet, à Valence avec M lle . Caroline Du Colombier, sont connues: ce n’étaient et ce ne pouvaient être que des amourettes de jeunes gens de la bonne société. A Seurre, il rencontre véritablement et pour la première fois la femme avec tout le mystère de l’inconnu. Quelles furent au vrai les relations de Bonaparte et de Madame Prieur? Nous savons que celle-ci était belle, intelligente et d’une grâce exquise. A quel point fut-elle indulgente au jeune officier? Ils avaient lu Rousseau, le moins sage des philosophes: c’est un dangereux conseiller. A-t-il été le consolateur de ses mélancolies? A-t-elle été la Warens de Bonaparte? Rathier l’affirme dans ses souvenirs: “On a la certitude que la dame, assez jeune et jolie, ne lui fut pas cruelle”. Ici le sujet devient plus délicat: de quelle certitude Rathier veut-il parler 4 ? Deux auberges rivales se partageaient alors à Seurre, la clientèle des voyageurs. l’une, rue Royale, où pendait pour enseigne l’image de Saint-Martin, retenait l’ancien régime: c’était là qu’avaient lieu les dîners des corporations et des officiels. L’autre, nouvellement installée, avenue du Pont et Grande-Rue, accueillait plutôt les partisans des idées nouvelles, c’était l’hôtellerie du Chapeau rouge. C’est là que Bonaparte prenait pension, et, à la table d’hôte, il pouvait apercevoir, par les fenêtres ouvertes, l’antique bâtiment du grenier à sel, dont la partie donnant sur la quai de la Saône par une terrasse, servait de logement à la famille Prieur 5 . Une visite au Creusot et à Montcenis faite en compagnie de son camarade des Mazis, qui était venu le rejoindre, occupa les derniers jours de garnison de Bonaparte et, le 29 mai 1789, il rega- gnait Auxonne avec son détachement 6 . Mais le souvenir de Madame Prieur persista dans la mémoire du jeune officier et fut cause de plus d’un retour dans la petite ville. Lorsque parurent les lois de suppression des ordres monastiques, il y avait parmi les moines de Cîteaux, de jeunes compagnons qui n’attendaient qu’une occasion pour élargir la règle de l’”étroite observance”. Des scènes de désordres causées par les plus turbulents, suivirent les for- malités d’inventaire; un vent de rébellion souffla sur le monastère; l’autorité du prieur fut méconnue; les caves ayant été quelque peu mises au pillage, le scandale éclata dans la grande abbaye. Le bruit de ces scènes sans exemple parvint jusqu’à Dijon, aux oreilles des administra- 1. Ib. : « Prieur avait été nommé receveur à Seurre en 1773. » 2. Née en juin 1752, elle allait en avoir 37. 3. Note de Michaud : « Gilbert baron de Coston : Biographie des premières Années de Bonaparte ; 1840 ; t. I. » 4. V. paragr. C. 5. Note de Michaud : « Testament de Pierrette Prieur, reçu par Nouveau notaire à Seurre, le 17 juillet 1788. » 6. Ib. : « Registre de passage des troupes (A.D.C.O. E. 3274). »

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