Niépce correspondance et papiers
1334 C ORRESPONDANCE ET PAPIERS Appendice teurs du district, qui craignant pour la sûreté des objets précieux enfermés dans les bâtiments abbatiaux, dépéchèrent un détachement d’artilleurs à Cîteaux, puis nommèrent des commis- saires avec “mission de prendre tous les moyens que leur suggérait leur prudence pour la conser- vation et sûreté des objets ainsi exposés, avec pouvoir d’en confier la garde spéciale au détache- ment de l’artillerie qui se trouve actuellement à Cîteaux” 1 . Ce détachement, d’environ cinquante hommes, était sous le commandement de M. de Lépinay, ce même chef de brigade qui avait commandé à Seurre, et Bonaparte en faisait également partie 2 . Celui-ci peu séduit par cette fonction de surveillant et par ce séjour au milieu des bois, y laissa plu- sieurs fois ses compagnons pour revenir à Seurre. Il y descendait au Chapeau rouge 3 , et, sans doute, l’idylle commencée l’année précédente se continuait au bas de la terrasse, à deux pas de la Saône voluptueuse dont les flots murmuraient discrètement en glissant sur les vieux piliers du pont de bois. Nous ignorons comment prit fin la galante aventure. Est-ce à son souvenir que Bonaparte désa- busé déjà, voulait faire allusion quand, rentré à Auxonne, il consignait sur le papier les idées que lui suggéraient ses lectures. “Je fus jadis amoureux, écrivait-il. Je crois que l’amour fait plus de mal que de bien et que ce serait un bienfait d’une divinité protectrice que de nous en défaire et d’en délivrer les hommes”. Pour un officier de vingt-deux ans, ce dédain de l’amour a quelque chose de pénible; ce “jadis” est si près! Cette fois, c’en est bien fini du temps des promenades sentimentales au mail et des chevauchées dans les environs. La société aimable des salons seurrois est dispersée, le clavecin de Madame de Cléry est fermé pour longtemps; une époque fiévreuse a succédé à la douce quiétude d’un régime aboli. Bonaparte, guidé par les événements, voyait s’ouvrir devant son ambition une vie de conquête et d’honneurs: il semblait avoir oublié Pierrette Prieur. Cependant, l’indiscret Rathier ajoute qu’à son retour d’Italie, en l’an V, ramenant avec lui sa sœur Caroline, Bonaparte se détourna de sa route et vint encore une fois au Chapeau rouge 4 rencontrer son ancienne amie et retrouver la grâce exquise de son sourire. Après la suppression du grenier à sel, le ménage Prieur quitta définitivement Seurre et se retira à Marnay. Là, Madame Prieur, devenue veuve, s’y consacrait à l’éducation d’un fils né tardive- ment 5 , lorsqu’elle eut une dernière fois l’occasion de revoir son héros 6 . C’était le 7 avril 1805. Napoléon se rendait en Italie, où l’attendait la couronne de fer des rois lombards. 1. Ib. : « Arrêtés du directoire du district de Dijon des 10 et 11 septembre 1790 (A.D.C.O. I, 30). » 2. Ib. : « Bonaparte était rentré de Corse à Auxonne le 1 er juin 1790. » 3. Ib.: « Henri Vienne: lettre d’octobre 1825, in Episodes des trente premières Années de ma Vie , publ. in Mémoires de la Société bourguignonne de Géographie et d’Histoire t.VIII. » Cette référence ne nous a pas permis de vérifier les dires de Michaud. Dans le tome VIII desdits Mémoires (1892), on ne trouve consignés que des souvenirs des années 1830. En préambule, Henri Soret, petit-fils de Vienne, présente son grand-père au lecteur (p. 63), et se contente d’y évoquer Episodes des trente premières Années demaVie ,autre manuscrit qu’il se propose de publier « un jour », précisant seulement qu’entre autres souvenirs, son grand-père y rapporte qu’« un jour à Seurre il dîne à table d’hôte avec un lieutenant d’artillerie qui avait fait partie du détachement envoyé à l’abbaye de Cîteaux pour surveiller l’exécution des lois sur les biens du clergé » (p.66).Effectivement,l’année suivante,Soret met son projet à exécution en publiant dans le tome IX des Mémoires (1893),« sans retranchement ni addition », cet autre manuscrit. Or il n’y est question ni du Chapeau rouge ni de l’épisode annoncé l’année précédente. Quant à la lettre d’octobre 1825 citée par Michaud, elle n’y figure pas non plus. L’ouvrage que nous avons consulté est un tiré à part des Episodes des trente premières Années de ma Vie .On ne peut exclure que le tome IX des Mémoires de la Société bourguignonne de Géographie et d’Histoire contienne un autre article qu’on aurait oublié de comprendre dans le tiré à part. Une erreur de tomaison des Mémoires ajoute à la confusion. 4. On l’a vu, Rathier dit simplement « une auberge ». 5. V. paragr. C. 6. Michaud n’eut évidemment pas entre les mains le manuscrit familial qui fait état de la rencontre de 1815.
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