Niépce correspondance et papiers
1340 C ORRESPONDANCE ET PAPIERS Appendice municipalités, qui les cèdent gratis à ceux qui offrent de les cultiver. Les particulières, sont celles que l’on possède en toute propriété, sans être assujéties à aucune redevance féodale, municipale, ou royale [...] La Sardaigne n’ayant point encore de chemins faits, on n’a pu établir la distance mesurée d’un endroit à un autre dans l’intérieur de l’île, on ne la connaît que par le nombre d’heures ou par le tems que l’on emploie dans les voyages 1 . L’hospitalité y est exercée comme un acte de religion. Tout particulier aisé se fait un [sic] espèce de devoir de loger chez soi les étrangers qui voyagent dans l’intérieur de l’isle, où en conséquence de cette belle coutume on ne trouve nulle part, des auberges publiques pour les voyageurs, et le plaisir de loger un étranger chez soi est si grand, qu’on le recherche jusqu’à l’émulation. Le Sarde est d’une constitution très-robuste, il a le corps leste et délié 2 , le caractère gai, sen- sible et patient. Il est courageux même jusqu’à la témérité, susceptible d’un véritable attache- ment, mais d’une haine implacable lorsqu’il a été offensé. Son esprit est fin et pénétrant, très propre à l’étude des sciences et des beaux arts, qui, depuis le rétablissement des universités, y ont fait des progrès étonnans 3 . La vivacité de son imagination le porte naturellement vers le merveilleux avec beaucoup d’enthousiasme ; de sorte qu’il est passionné pour la poésie. Aussi y a-t-il en Sardaigne de très-bons poëtes ; et parmi le peuple, même celui qui ne sait pas lire, on en trouve qui improvisent des vers en langage du pays avec autant de facilité que d’esprit 4 . Les femmes sardes sont très-spirituelles, parfaitement bien faites, ayant de beaux yeux noirs, de belles dents, de beaux bras, une belle gorge, et la taille déliée et fine 5 . Elles sont en général sages, fidèles et constantes en amour; mais jalouses à l’excès et capables de tout entreprendre pour se ven- ger de l’infidélité d’un amant 6 . Elles aiment beaucoup la danse et montent volontiers à cheval [...] Les femmes des paysans, sans avoir un habillement extraordinaire comme les hommes, ont cependant un ajustement tout particulier, et qu’on peut appeler national. Un jupon de laine ou blanc ou écarlate, selon les endroits, avec beaucoup de plis à la ceinture, fait ressortir leur taille mince et déliée. Un corps fait de baleines, couvert d’étoffe plus ou moins riche, ouvert en devant, à moitié fermé par un lacet, donne de l’aisanse à la gorge qui paraît avec avantage sous une che- mise toute plissée, et assès échancrée pour découvrir la plus grande partie de la poitrine. Un quarré de mousseline ou d’autre étoffe en couleur, qui diffère selon le pays, pointé négligemment sur la tête, laisse assez voir les cheveux tressés à la grecque, et le visage que les femmes s’imagi- nent ou feignent de cacher aux regards des curieux. Le reste des habitans est habillé à la fran- çaise, comme dans tous les pays d’Europe. 1. « Un ingénieur piémontais fut chargé en 1780 de rédiger les détails d’un projet de route formant, pour ainsi dire, ceinture autour de l’île ; mais les troubles de 1793 firent suspendre les travaux » (A.L.1). 2. Lamarmora notera :« L’espèce humaine ne semble pas avoir échappé en Sardaigne à la loi du rapetissement qui dans l’île pèse sur la plupart des êtres animés, mais cette particularité est compensée par une beauté de formes et surtout par une force musculaire très remarquables ». Chez l’homme, « stature médiocre, corps svelte, taille très fine, le teint un peu bronzé, la physionomie spirituelle, beaucoup de vivacité et de sou- plesse dans les mouvements et les gestes ». (A.L.2). 3. Lamarmora constatera que « les principaux villages de Sardaigne ont jusqu’ici été privés de toute instruc- tion primaire » et que « le nombre des habitants qui savent lire est très borné » (A.L.1). 4. Lamarmora confirmera ce sens de la poésie, « innée chez les Sardes » (A.L.2). 5. Lamarmora lui aussi les trouvera « remarquables par leurs grands yeux noirs et par la finesse de leur taille, qui les dédommagent de leur teint un peu rembruni » (ib.). 6. Lamarmora comptera avec certitude les crimes de vengeance « parmi les causes du décroissement extra- ordinaire de la population qui eut lieu dans l’île » (A.L.1).Selon un rapport daté de 1796,« les notes des curés la portaient en 1788 à 456.990 âmes » (A.M.A.E Sardaigne 20, f° 270).
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