Niépce correspondance et papiers

N IEPCE 1349 App. XII On sait comment Labène vécut à Ratisbonne les quelques semaines qui précédèrent l’ar- rivée de Caillard 1 . Voici comment ce dernier décrivait la situation le 18 juin 1792 2 : [...] Il est impossible de vous exprimer à quel excès je trouvai ici les esprits contre nous et com- bien d’épines se présentent dans la carrière que je me dispose à parcourir. D’abord on croit que je n’arriverai point, ensuite on ne pouvait se persuader que je fusse arrivé et lorsqu’on en a été bien assuré, cet événement est devenu l’objet de la conversation générale et des spéculations politiques de tous les ministres de la diète. Il s’est formé de toutes parts de petits conciliabules, dans lesquels on a mis en question le parti qu’il était convenable de prendre par rapport à moi. Les uns se refusaient entièrement à ma légitimation, les plus modérés opinaient à n’y mettre aucun obstacle et il paraît qu’on se séparait sans rien conclure, du moins je n’ai appris qu’on eût un plan bien arrêté à ce sujet, mais je ne puis douter que les ministres oppo- sans, qui sont en nombre, n’élèvent toutes les difficultés imaginables, sinon pour empêcher ma légitimation au moins pour l’éloigner autant qu’il leur sera possible. Caillard. Pour empêcher sa légitimation, tous les moyens étaient bons. Ainsi quelques jours après, Labène, porteur des lettres de créance de Caillard, fut refoulé par les sbires de Son Excellence le baron de Strauss. On s’en doute, les chicaneries matérielles étaient, elles aussi, de bonne guerre. Le 12 juillet, le ministre plénipotentiaire se plaignait en ces termes 3 : [...] J’ajouterai qu’il y a un portrait du roy en pied chez Mr. Bérenger. Ce portrait lui avait été envoyé comme aux autres ministres et ambassadeurs et il appartient à la mission et non à l’in- dividu. Avant mon arrivée Mr. Bérenger était convenu avec Mr. Labène qu’il me donnerait le portrait, attendu, disait-il qu’il ne lui appartenait pas. Je le lui ai fait demander lorsque j’ai fait transporter les archives chez moi. Alors il a tenu un autre langage et a refusé de le rendre, pré- textant que c’était à lui qu’il avait été donné et ajoutant qu’il le garderait jusqu’à ce qu’on lui pré- sentât de la part du ministre des Affaires étrangères l’ordre exprès de le rendre. En général, Monsieur, j’ai lieu d’être peu satisfait de la conduite de Mr. Bérenger à Ratisbonne. Caillard. On aura encore une idée de la difficile position des représentants français, par cet extrait d’une lettre de François Gabriel de Bray 4 , de Ratisbonne en date du 28 juillet 5 : [...] Le ministre de France ici méprisé par tout le monde n’est point encore légitimé, peut-être ne parviendra-t-il pas à l’être 6 . Rien n’égale la bassesse du rôle que cet agent joue, si ce n’est celle du gouvernement qui l’envoie. Pour écarter de dessus sa tête l’exécration publique, il est réduit au rôle infâme de déclamer contre ses mandataires, mais cela n’avance à rien [...] Voici d’ailleurs en quels termes Bray jugeait le gouvernement français. Le 7 septembre, toujours de Ratisbonne, il devait écrire au grand maître de Malte 7 : [...] l’important est d’ôter le plus tôt possible à l’humanité le désolant spectacle d’un gouverne- 1. V. 71n. 2. A.M.A.E. C.P. Allemagne 666. 3. Ib. 4. François-Gabriel de Bray (1765-1832). Il entra dans l’ordre de Malte en 1775 comme page du grand maître et dans les bureaux des Affaires étrangères à la fin de 1788. C’est en janvier 1789 qu’il fut attaché à la léga- tion de France à Ratisbonne. Il démissionna en 1790, se rendit auprès des princes à Coblentz, retourna à Ratisbonne comme attaché à la légation de l’ordre de Malte (D.B.F.). 5. Publ. in R.H.D. 1909, pp. 335-358. 6. De fait, Caillard n’y parvint pas. 7. Publ. in R.H.D. 1909, pp. 335-358.

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