Niépce correspondance et papiers
N IEPCE 1383 App. XVI Quelques jours après, on nous intima l’ordre de nous rendre à Orléans. A une demie lieue de cette ville, un aide de camp du général Pajol nous ordonna d’arborer la cocarde tricolore. Le 1 er cuirassier marchoit de brigade avec nous. Arrivés à Orléans, tous les colonels s’etant assemblés, nous nous rendîmes chez le commandant en chef de l’armée de la Loire pour le consulter sur l’ordre que nous venions de recevoir. Ce commandant, dont nous connoissions l’attachement à la personne du roi, nous parut très embarrassé sur le conseil qu’il avoit à nous donner. Il crut devoir nous dire qu’en raison des cir- constances qui paroissoient alarmantes, et le départ de Sa Majesté, hors de son royaume, Bonaparte s’etant déclaré chef de l’Etat, nous devions, pour le maintien de l’ordre prendre la cocarde tricolore. Ce commandant sembloit partager vivement la peine que nous éprouvions à exécuter un pareil ordre. M. le Maréchal Gouvion S t . Cyr arriva ce soir même à Orléans, et, en prenant au nom du roi le commandement de l’armée, nous dit que nous avions été trompés et qu’il falloit reprendre la cocarde blanche. Notre régiment, alors 2 ème dragons, fut le seul qui obéit sans murmure à ce nouvel ordre. Officiers et soldats, tous conservèrent la plus exacte discipline, et, pour la maintenir, nous demandâmes et obtinmes de sortir d’Orléans et nous fûmes cantonnés à La Ferté Saint-Aubin. Le gouvernement Bonaparte s’étant organisé, // cinq à six jours après notre départ d’Orléans, le nouveau ministre de la Guerre nous ordonna d’arborer la cocarde tricolore, et de nous rendre à Paris pour y être passés en revue par l’Empereur. Alors, ne voulant point porter les armes contre le roi, ni contre ses alliés, je revins à Moulins y rejoindre le dépôt du régiment. J’ose le dire, Messieurs, la conduite que j’ai tenue dans cette ville m’a mérité l’estime de tous mes concitoyens. J’ai eu, par ma fermeté, la satisfaction d’empêcher à l’église de cette ville, le jour de la Fête-Dieu, un scandale qui auroit pu avoir des suites fâcheuses. Un parti assez nombreux vouloit faire chanter aux prêtres officiants un Domine salvum fac imperatorem. Déjà une rumeur épouvantable faisoit craindre une scène tragique. J’élevai la voix, le ton que je pris en imposa, les séditieux se turent, l’office s’acheva et le Domine salvum ne fut pas chanté. Le 27 mai, je reçus ordre du ministre de la Guerre de me rendre à Tro[yes] pour y être employé sous les ordres du général comte de France, au dépôt général de la cavalerie de Rhin et Mozelle. Ces fonctions n’étant qu’administratives, j’obéis, et le général commandant, satisfait de mon tra- vail, m’honora de son suffrage, qui est déposé au ministère de la Guerre. Le 6 juin, un nouvel ordre du ministre de la Guerre m’enjoignit de rejoindre mon régiment qui étoit à la Grande Armée. Guidé par les mêmes principes, je restai au dépôt général. Je savois que l’on vouloit m’employer contre les Vendéens si je retournais à Poitiers, où était le dépôt du régi- ment et je tenois plus que jamais au serment de fidélité que j’avois prêté à Sa Majesté. Au retour de Louis 18 dans sa capitale, le général comte de France et moi, nous nous empres- sâmes // d’envoyer notre soumission pure et simple au roi et de reprendre la cocarde blanche. Le 17 juillet j’étois à Lurcy le Sauvage, département de l’Allier, avec les dépôts de cavalerie que m’avoit confiés le général comte de France. L’esprit du peuple de cette commune étoit très mau- vais et le drapeau tricolore flottoit encore sur le clocher de cette ville. Je commençai par faire prendre la cocarde blanche à la troupe que je commandois, et après avoir fait enlever le drapeau flottant au clocher de la paroisse, je le fis remplacer par un drapeau blanc. Le soir même, une foule de malveillants, ayant séduit des chasseurs du 8 ème , se portèrent sous les fenêtres du maire et de celles du commandant de la garde nationale, dont ils cassèrent les
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