Niépce correspondance et papiers

1394 C ORRESPONDANCE ET PAPIERS Appendice XXX Après nous être rafraîchis, nous sortîmes pour rencontrer nos camarades sur la place de Béthune. On s’y pressait en foule. Les princes nous firent distribuer la solde de quelques jours et leur dernier remercîment. « Nous allons hors des frontières de la France, nous dirent-ils, nous ne vous engagerons point à nous suivre plus loin; nous savons trop combien l’émigration est une mesure pleine d’incertitude et de malheur pour ceux qui l’adoptent, nous n’avons rien à vous offrir que ce qui nous y attend nous-mêmes. Où le sol de la patrie vous manque, arrêtez-vous! » A la lecture de ces paroles, les dialogues s’établirent en différents sens parmi nous. Mon opinion était faite. Ce fut la première fois que je parlai en public. Mon adversaire était un neveu de M. Royer-Collard 1 , jeune homme qui raisonnait chaleureusement ses sentiments. Il parla bien, et les cœurs étaient de son côté. Je combattis fortement le parti qu’il nous proposait. L’immense majorité m’applaudit. « Emigrer, dis-je, c’est se déclarer vaincu sur le terrain où il faut combattre. Nous sommes plus utiles à notre cause comme amis à l’intérieur que nous ne le serions au dehors comme soldats. C’est par l’opinion que nous avons à combattre. » Cinq ou six jeunes gens se détachèrent pour suivre le roi en Belgique, les autres restèrent. Quelques moments après, on nous déclara que nous étions tous licenciés et que nous allions, en vertu d’une convention conclue entre les généraux des deux partis, quitter nos uniformes et nos armes et nous rendre dans nos familles après quelques jours de repos à Béthune [...] § 3. « L’affaire du café Turc » de juillet 1816. Pour être ainsi mentionnée 2 , l’affaire devait nécessairement avoir défrayé la chronique. Le café Turc 3 fit effectivement parler de lui à cette date, mais pour un motif qui ne per- met pas de deviner précisément en quoi Isidore fut impliqué. Avant nous, P.G. Harmant était arrivé à la même constatation. Mis à contribution, Guillaume de Bertier de Sauvigny 4 nous avoua n’avoir jamais entendu parler de cette affaire. Celle-ci n’ayant apparemment pas laissé de trace dans la série F 7 des Archives Nationales, reste l’espoir de retrouver ailleurs le rapport de police dont l’« extrait » figure au dossier d’Isidore. Peut-être en trouverait-t-on une copie dans les archives des gardes du corps du roi (C ie d’Havré) ; nous n’avons pas exploré cette piste. Eu égard à la date, il s’agit sans aucun doute de l’affaire qui suit. Voici ce qu’on lit dans La Quotidienne (n° 195) du samedi 13 juillet 1816 : La consternation s’est répandue hier parmi les habitués et les promeneurs du jardin turc 5 . Non seulement de nombreuses affiches annoncent pour le 15 de ce mois l’ouverture de la vente de tous les objets servant à l’exploitation de ce bel établissement, mais déjà une main dévastatrice a fait disparaître une partie des kiosques, pavillons, bosquets, statues, etc., et ces glaces qui pro- 1. Pierre-Paul Royer-Collard (1763-1846). Philosophe et politique. Il avait été un moment secrétaire de la Commune. Elu député de la Marne au Conseil des Cinq-Cents, il s’en était vu expulser au 18 fructidor. Dès lors il s’était lié avec les royalistes. 2. V. § 1. 3. Le café Turc, dont la vogue dura jusqu’au règne de Louis-Philippe, se trouvait à l’emplacement du 29 bou- levard du Temple. Le Musée Carnavalet conserve plusieurs images du célèbre établissement et de son jar- din, notamment une qui atteste que « les politiques » s’y retrouvaient. 4. Professeur honoraire à l’Institut catholique de Paris, auteur de nombreuses publications sur la Restauration, G. de Bertier de Sauvigny fait autorité sur l’histoire de cette époque. 5. Le jardin du café Turc.

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