Niépce correspondance et papiers
1402 C ORRESPONDANCE ET PAPIERS Appendice NOTE XVIII Il y avait au château de ***, comme dans presque toutes les maisons-fortes du moyen âge, un passage souterrain qui partait des caves sous la grande tour, qui traversait la terrasse, et qui, aboutissant à une poterne, descendait, par quatre ou cinq cents marches d’escalier obscur, jus- qu’au pied du mamelon sur lequel était bâti le château. Là, une grille de fer, semblable au soupi- rail d’un cachot, s’ouvrait dans une fente du roc sur les vastes prairies entourées de bois qui for- maient le bassin de la rivière et de la vallée. L’existence de cette porte, qui ne s’ouvrait jamais, était ignorée des républicains. Les seuls habi- tans du château savaient où la clé en était disposée, pour des circonstances extrêmes. Le jeune homme s’en saisit, remonta dans la chambre de la jeune fille, l’entraîna toute en larmes à travers ces ténèbres, ouvrit le soupirail, et se glissa inaperçu de saule en saule dans le lit du torrent, par- vint à gagner les bois avec son dépôt. Une fois dans les sentiers de ces forêts connues, armé de deux fusils, le sien et celui de sa com- pagne, pourvu d’or et de munitions, il ne craignit plus rien des hommes. Dévoué comme un esclave, attentif comme un père, il conduisit en peu de jours, à travers champs, de bois en bois et de chemins en chemins, la jeune fille, qui passait pour son jeune frère [...] Ainsi commence le récit de la folle aventure de l’abbé Dumont et de Jacqueline de Pierreclos 1 . A travers Jocelyn et Laurence, les deux héros de l’« épisode » 2 , une génération entière s’identifia à eux et Jocelyn mit un comble à la réputation de Lamartine. Pour retrouver, cités en clair, les occupants du pittoresque château de Pierreclos, il faut ouvrir les Nouvelles confidences 3 . XLII Les deux villages, dans le voisinage de Milly, où ma mère dirigeait le plus souvent et le plus naturellement ses pas, étaient Bussières et Pierreclos. Le château antique et pittoresque de Pierreclos était habité par le comte de Pierreclos, ancien seigneur de toute cette gorge à la nais- sance des montagnes de Saint-Point. Figure des romans de Walter Scott dans un pays parfaite- ment semblable de physionomie à l’Ecosse ; vieillard illettré, rude, sauvage, absolu sur sa famille, bon au fond, mais fier et dur de langage avec ses anciens vassaux, qui avaient saccagé sa demeure pendant les premiers orages de la révolution, ne comprenant absolument rien ni à la marche, ni aux idées de son siècle, ou plutôt ne sachant pas ce que c’était qu’idée ; treizième siècle empaillé dans un homme ; bizarre, original grotesque de costume autant que d’esprit, et de plus goutteux, ce qui ajoutait encore à l’âpreté de son humeur ; mais aimant le monde, gour- mand, voluptueux, tenant table ouverte, et accueillant bien dans son château non seulement ses voisins, mais tous les aventuriers d’émigration, de guerre civile, de Vendée ou d’aristocratie qui se recommandaient du titre de royalistes. Il avait perdu sa femme de bonne heure. Sa famille se 1. Jacqueline de Pierreclos passa contrat de mariage avec Antoine Mongez, par-devant Maître J.J. Verset, notaire à Bussières, le 30 mai 1800 (H.G. p. 356), soit vingt jours après le mariage de sa sœur Marguerite avec M. de Champmartin. A. Mongez mourut en 1834, Jacqueline le 30 octobre 1848 à La Côte-Saint-André (Isère). Nous n’avons pu le vérifier mais il est vraisemblable que c’est à elle qu’Isidore et Eugénie rendirent visite en mai 1826 (v. 399). 2. On put lire dans l’« Avertissement » de la première édition de Jocelyn : « Les annonces insérées dans quelques journaux m’obligent à dire un mot au lecteur. Ces annonces ont pu lui donner une fausse idée de cet ouvrage. Ce n’est point un poëme, c’est un épisode. » C’était tout dire, ou du moins beaucoup ; assez en tout cas pour que le lecteur comprît qu’il ne s’agissait pas d’une fiction. 3. Publ. en 1851.
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