Niépce correspondance et papiers

N IEPCE 1413 App. XIX l’ayant publiée à son tour quelques temps après, le procès actuel en contrefaçon a été intenté. M. Giraldon, éditeur de gravures, expose qu’il a traité avec M. Daguerre sur le vu de la lettre de M. le Ministre de l’Intérieur, et dans la conviction qu’il aurait un droit exclusif à la propriété de la bro- chure. “Je fis, dit-il, des observations à M. Daguerre sur l’aliénation de son droit de propriété en faveur de l’Etat. Il me répondit que chacun pouvait bien avoir le droit d’expliquer son procédé; mais qu’on ne pouvait lui prendre l’ordre de ses idées, l’agencement de ses matériaux. Les bénéfices à percevoir furent réglés de manière que M. Daguerre devait en percevoir le quart. Je commençai donc à faire graver les planches par MM. Adam et Bury. MM. Giroux, Susse et Lerebours m’ache- tèrent d’abord un certain nombre d’exemplaires; puis ils trouvèrent plus commode de contrefaire littéralement la brochure, les planches comprises. Cette contrefaçon a paru en même temps que ma publication. Je vendais ma brochure 2 fr. Les contrefacteurs ont donné la leur pour 1 fr. 50, 1 fr., et ils l’ont même distribuée gratis, comme une espèce de prospectus, pour leur fabrication d’appa- reils. Ils en ont écoulé 9,000; ma vente a été arrêtée. Je demande 16,000 fr. de dommages-intérêts.” M. Alphonse Giroux, négociant, rue du Coq: Il était constant, quand M. Giraldon traita de la bro- chure, qu’elle était dans le domaine public. Il n’avait donc pu acheter qu’un droit de priorité. J’étais convenu avec M. Giraldon qu’il me remettrait les trois cents premiers exemplaires, et que toute l’édition porterait mon nom. Ces conventions n’ont pas été exécutées. Je n’avais plus aucun ménagement à garder avec M. Giraldon, et j’ai fait réimprimer la brochure, ce que tout le monde avait le droit de faire. La brochure était en effet tombée dans le domaine public depuis la pro- mulgation de la loi. J’ai vendu au prix qui m’a convenu, et je ne dois compte à personne des exemplaires que j’ai pu donner pour rien. M. Daguerre est entendu comme témoin. Il déclare se nommer Louis Antoine Daguerre, âgé de cinquante-un ans, artiste-peintre. “Ce n’est pas moi, dit-il, qui suis allé chercher M. Giraldon, c’est lui qui est venu me trouver; il m’a proposé de se charger de la publication de ma brochure. J’étais non pas seulement autorisé à la publier; mais forcé de le faire, aux termes de ma conven- tion. M. Giraldon n’a pas pu s’abuser un seul instant sur ce que je lui cédais. Il a toujours com- pris que nous devions être et que nous serions infailliblement reproduits. Je ne lui vendis donc pas le droit exclusif de publier, qui ne m’appartenait plus, mais seulement l’avantage de paraître le premier avec des gravures de mes plans réduits aux dimensions de la brochure. Il avait été convenu que les trois cents premiers exemplaires seraient livrés à M. Giroux, et porteraient son nom. Le jour de ma première séance au quai d’Orsay, je fus fort étonné, alors que je n’en avais pas moi-même un exemplaire, de voir ma brochure dans les mains de tout le monde, avec l’adresse de M. Susse, qui n’aurait dû être servi qu’après MM. Alphonse Giroux 1 . M. Niepce, âgé de quarante-quatre ans, propriétaire à Châlons-sur-Marne [sic]: Je ne sais rien de l’affaire. M. Daguerre m’a écrit pour m’offrir ma part d’un quart des bénéfices dans la publica- tion de la brochure, je ne me constitue juge de la conduite de personne; mais quant à moi j’ai cru devoir refuser. Il m’a semblé qu’ayant vendu notre secret au gouvernement, nous n’y avions plus aucun droit de propriété. Que M. Daguerre ait cru avoir ce droit en récompense des séances qu’il a données au quai d’Orsay, cela peut être; mais pour moi qui n’ai pas donné de séances, je n’ai pas cru devoir patroniser du nom de mon père ni brochure, ni fabrique d’appareils. M. Bury, graveur, déclare avoir réduit et gravé au trait les dessins de M. Daguerre pour le compte de M. Giraldon. Le Tribunal, après deux audiences consacrées aux plaidoiries de M e Mermilliod pour le plai- 1. Ces informations corroborent notre analyse (v. 638n). La première séance quai d’Orsay avait eu lieu le 7 sep- tembre.

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