Niépce correspondance et papiers

N IEPCE 1415 App. XIX Incendie du Diorama. — Indemnité pour les tableaux exposés, la vallée de Goldau, le temple de Salomon, le sermon. — M. Daguerre et la compagnie la Salamandre. M. Daguerre, aidé de M. Bouton, puis de M. Niepce, a conquis, d’abord par le Diorama, ensuite par le daguerréotype, une célébrité bien méritée. Toutefois, il rencontre aujourd’hui de grandes difficultés dans l’appréciation des produits de son art; la compagnie d’assurances la Salamandre , qui sans doute est la première à regretter la perte de certains tableaux qui font l’objet de ces dif- ficultés, lui dispute avec vivacité l’indemnité qui en résulte. C’est en 1835 que la police d’assurances a été signée; la compagnie assurait 60,000 francs sur trois tableaux non désignés, mais destinés à être exposés au Diorama, et dont un seul pourrait quelquefois être en exposition. Le 8 mars 1839, l’incendie a dévoré le Diorama et les tableaux assurés, lesquels étaient à ce moment: la Vallée de Goldau , le Temple de Salomon et le Sermon . M. Daguerre a réclamé les 60.000 francs. La compagnie a répondu que, d’après la police, c’était M. Daguerre seul qui avait fixé l’évaluation; que, de plus, la même police exprimait que l’assuré ne pourrait en invoquer les termes comme preuve ou présomption légale, soit de l’existence des effets assurés, soit de la valeur réelle au moment de l’incendie. MM. Bourgain et Sugier, avocats, et Badin, agréé, ont été choisis pour arbitres. Ils ont commis à deux experts, M. Paul Delaroche et M. Georges, estimateur des musées royaux, une vérification préalable. “Chacun des tableaux, ont dit les experts, n’exigeait pas moins de neuf ou dix mois d’un travail assidu, tant de la part de M. Daguerre que de celle des élèves et des artistes qu’il employait sous lui. Ces tableaux demandaient de la part de l’artiste une attention soutenue, parce qu’ils devaient être d’un fini achevé . Les trois tableaux incendiés étaient la Vallée de Goldau , vue avant l’éboule- ment de la montagne et après cet éboulement; l’Eglise de Ste-Marie, à Mauréal , vue de jour et de nuit; et le Temple de Salomon , représenté à deux effets; c’est à dire par un clair de lune, sans figures, et ensuite au moment de l’inauguration. Tous ces effets doubles étaient peints sur une même toile et avaient exigé un travail spécial, une double composition et des soins excessivement minutieux, à raison des transparens à ménager. De semblables ouvrages, propres non seulement à être offerts au public, mais à décorer un palais, un monument public, dès qu’ils sont placés dans les mêmes conditions, sont, comme objets d’art et indépendamment de la valeur industrielle qui peut y être attachée, susceptibles d’une appréciation vénale. Il existe même dans la cause des documens à cet égard, puisqu’il est établi que les tableaux du Diorama ont fait, avec le Diorama de Londres, l’objet de conventions d’après lesquelles le directeur de ce dernier établissement avait traité deux fois pour douze tableaux à raison de 15,000 francs chaque, et que ces conven- tions ont en effet reçu leur exécution pour dix huit tableaux. Or, indépendamment de la réduc- tion sur le prix qui devait résulter de l’engagement d’acheter un grand nombre de ces tableaux, il est nécessaire de remarquer que ceux qui ont fait l’objet de ces conventions étaient à effet simple. Trois de ces tableaux pouvaient être exécutés en une année, tandis que chacun de ceux faisant l’objet de l’assurance à la Salamandre , et qui étaient à effet double, exigeaient un travail opiniâtre d’au moins neuf à dix mois. La compagnie d’Assurances générales avait porté jusqu’à 50,000 francs l’assurance sur chacun des premiers tableaux à effet simple exposés au Diorama”. De ces observations, les experts ont conclu “qu’abstraction faite de la clause de la police, les 60,000 francs, montant de l’appréciation demandée par M. Daguerre, étaient l’indemnité bien juste due à cet artiste, et qu’ils l’auraient portée plus haut, si M. Daguerre ne l’avait ainsi fixée”. Les arbitres, en reconnaissant que le rapport des experts contenait les bases d’une saine appli- cation, ont pensé toutefois qu’il fallait tenir compte du temps pendant lequel chacun des trois tableaux avait été exposé. En effet, ont-ils dit, ces ouvrages étant spécialement destinés à être montrés au public, perdent nécessairement de leur valeur, lorsque la curiosité commence à

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