Niépce correspondance et papiers

N IEPCE 1423 App. XXII App. XXII ISIDORE ET EUGENIE APRES 1839 Les 18 pièces qui constituent cet article, résument assez bien, nous semble-t-il, ce qu’il advint d’Isidore et d’Eugénie. Sous des dehors différents, elles attestent du même combat contre l’adversité. Rancœur qui se farde d’insouciance, activisme où perce l’abattement, chagrin qui se pare de projets d’avenir, cette double lutte, belle matière à épilogue où le pathétique le dispute au cocasse, mérite d’être connue. Pièce n° 1 1 Paris, le 31 décembre 1839 Mon cher cousin, Je viens quoique tardivement, vous remercier de l’intérêt que vous avez pris à mes affaires en les mettant entre les mains de M. Richard 2 . J’espère que je sortirai grâce à lui de ce dédale affreux dans lequel Maître Granjon m’aurait laissé longtems par suite du peu de succès de notre entreprise hélyographique sur laquelle je comptais pour rétablir ma position financière, je suis forcé de prendre ce parti décisif : il m’en coûte beaucoup de vendre les propriétés de famille qui ont été le séjour de mes ancêtres, et ou j’ai passé ma vie entière...! J’avais jusqu’à ce jour espéré en conserver, mais le sort en a décidé autrement, et il n’y a plus à marchander. Je cherche a emprunter 80 à 100 mille francs pour payer les banquiers dont les intérêts exor- bitants me rongent. Je vendrai toutes mes propriétés, que j’estime à 400000 francs et tout payé, il me restera 200000 francs qui me rendront dix mille francs sans impôts ni frais quel- conques 3 : j’ai ma pension de 4000 francs et j’espère encore une somme de mille francs de notre brevet de Londres, que l’on parait disposé à acquérir 4 . Je serai donc avec une position à peu près égale à celle que j’aurais dû avoir, et je ne devrai rien à personne, ce qui constitue le vrai bonheur...! Pardon, mon cher cousin, si j’entre dans de tels détails, mais je sais tout l’intérêt que vous me portez, et je vous dois la confiance que vous m’inspirez à tant de titres ! Je profite, mon cher cousin de ce courrier, pour vous offrir ainsi qu’à la chère cousine, tous mes vœux au renouvellement de cette année. Si l’on en croit les prédictions, 1840 doit être fer- tile en événemens ! Dieu seul peut le savoir, et je pense que nous devons nous en rapporter à sa sagesse. Ma femme est venue me rejoindre, inquiète qu’elle était d’une opération que je me suis fait faire, et qui a très bien réussi : l’on m’a extrait une loupe graisseuse qui m’était survenue sous le menton, et qui depuis plusieurs années avait pris une croissance inquiétante. Ma femme se 1. Coll. M.N.N. Publ. in T.P. (p. 18) par P.G. Harmant. Lettre d’Isidore à Alexandre Anne Du Bard de Curley. 2. Notaire. 3. On le verra, par ce calcul des plus optimistes, Isidore se berçait d’illusions (v. pièce 12). 4. Là aussi, Isidore se faisait illusion. Une très intéressante lettre qu’Antoine Claudet lui adressera le 3 sep- tembre 1840, le prouve : « [...] Comme je l’ai toujours pensé, le gouvernement anglais ne voudra jamais se mêler d’une question d’invention surtout au profit d’étrangers. Personne n’achetera de licence comme je l’ai fait pour exploiter le daguerréotype, cela n’en vaut pas la peine en Angleterre où l’on est en général très peu enthousiaste de ce qui est purement art. Nous avons dépensé plus de 100 livres en avertissements dans les journaux et nous avons vendu 120 épreuves depuis le commencement, maintenant nous ne ven- dons plus rien du tout.Il n’y avait qu’un moyen d’exploiter le daguerréotype en Angleterre,c’était de vendre des appareils à tous les amateurs qui en avaient envie. Aujourd’hui presque tous ceux qui en ont voulu s’en sont procuré à Paris et ils s’en servent (quand le soleil luit ce qui n’est pas tous les jours) sans s’inquiéter du brevet et de toutes les menaces de poursuivre les contrefacteurs [...] » (Coll. J.N. Inédit).

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