Niépce correspondance et papiers

N IEPCE 1463 App. XXIV Ce qui conduit nécessairement à poser la question suivante. Pour quelle raison, dans le cadre d’une publication aussi soignée que l’est Le Musée rétrospectif, alors qu’il s’agissait de rendre à Niépce un hommage appuyé, à une date où la photogravure affichait d’im- menses progrès que nous développerons plus loin, se dispensa-ton de repartir de l’original pour reproduire la plus ancienne photographie du monde ? N’est-ce pas précisément parce que celle-ci n’existait plus ? N’est-ce pas parce qu’elle avait été cassée ? A la lumière de cette nouvelle hypothèse, bien des questions sont recevables. Nous les livrons comme axes de travail. Cassé, l’incunable ne l’était-il pas déjà lorsque s’ouvrit la première Exposition inter- nationale de Photographie inaugurée en avril 1892 ? Ne faut-il pas situer à une date antérieure à 1909 les recherches scientifiques dont a parlé Schade ? Les assimiler à la séance de travail évoquée par Vivié, au cours de laquelle « un membre du Conseil d’administration de la Société [Française de Photographie] brisa l’original » ? En déduire que cette séance n’est autre que celle durant laquelle Davanne (membre du Conseil d’administration de la Société) et La Valette « prirent la peine d’exé- cuter » le cliché de la table servie à la fin de l’année 1891 ? Ne peut-on penser que cet épisode se déroula dans le laboratoire de physique du Conservatoire des Arts et Métiers ? Que le préparateur Peignot se chargea de la manipula- tion ? Que Davanne et La Valette en furent témoins ? Qu’ils virent la fragile plaque de verre se briser en mille morceaux, à la suite d’un geste maladroit de Peignot ? Ne doit-on pas conclure de tout ceci que lorsque parut la première reproduction de la table servie dans le fascicule n° 1 des Annales du Conservatoire des Arts et Métiers de l’an- née 1892, la plaque originale avait déjà disparu ? Que Davanne se tut pour n’avoir pas à dire qu’il fut témoin de l’accident, surtout pour ne pas nuire à l’infortuné Peignot 1 ? Qu’en passant l’affaire sous silence, la Société Française de Photographie respecta la position de son estimé vice-président ? Ne faut-il pas plutôt nuancer cette série de propositions, n’en retenir qu’une partie seulement ? Croire, par exemple, que l’incunable disparut effectivement dans des circons- tances semblables à celles que nous venons d’imaginer, mais plus tard, entre l’Exposition de 1892 et celle de 1900 ? Pour en finir avec l’interminable liste d’interrogations que suscite cette affaire, nous allons voir qu’une ultime hypothèse autorise à penser qu’un empêchement majeur, tout autre que sa disparition, a pu s’opposer à la présentation de la table servie à la première Exposition internationale de Photographie de 1892. P ERPLEXITÉ DEVANT UN INCUNABLE Arrêtons-nous un instant pour considérer combien le sort de cette photographie est étrange. Après la mort de Niépce, la famille la garde en secret pendant cinquante sept ans avant de la donner confidentiellement à Davanne qui lui-même attend dix huit mois pour en révéler laconiquement l’existence et s’en séparer au profit de la Société Française de Photographie. Celle-ci adopte une discrétion encore plus marquée, d’une part en l’évoquant à peine dans son Bulletin, d’autre part en la privant du retentissement qu’il est de son devoir d’orchestrer à l’occasion de la première Exposition internationale de Photographie, 1. Dans ces conditions, la lettre d’envoi d’Eugène Niépce aurait été volontairement supprimée.

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