Niépce correspondance et papiers

1464 C ORRESPONDANCE ET PAPIERS Appendice puis à celle de l’Exposition universelle de 1900. Ainsi la société qui doit sa raison d’être à l’invention de la photographie ne fait-elle jamais de bruit autour de la plus ancienne pièce connue ! Force est d’admettre qu’ensuite l’incunable tombe dans l’oubli complet, puisqu’il est avéré que treize ans plus tard, Potonniée lui-même n’en a jamais entendu parler 1 . Il s’agit de mesurer ce que l’apparition de la table servie impliqua 2 et de comprendre ce qui poussa les instances autorisées à ignorer cette image. Nous ne saurions trop insister sur ce point : la révélation faite par Davanne en 1891 resta sans écho. Pour s’en convaincre, il suffit de consulter les imprimés spécialisés parus tout au long des dix années suivantes, à commencer par les innombrables comptes rendus des manifestations (cours, conférences, congrès, expositions, inaugurations, commémorations, remises de prix, etc.) auxquelles Davanne lui-même prit activement part 3 . Car effectivement Davanne, sans qui la table ser- vie serait inconnue 4 , ne revint jamais plus sur le sujet 5 , pas même dans le cadre de la Société Française de Photographie où un échange de vues entre spécialistes eût été dans l’ordre des choses. Du moins le Bulletin de la Société, si riche en informations de toute nature, notamment grâce au compte rendu circonstancié de chacune de ses séances, n’en a-t-il conservé aucune trace. En réalité, tout porte à croire que cette plaque, d’aspect surprenant pour une hélio- graphie 6 , plongea les spécialistes dans un grand embarras : dès lors qu’il ne s’agissait pas d’une image perdue puis retrouvée, pourquoi n’en avait-on jamais entendu parler ? Si elle était de Niépce 7 , pourquoi ne l’avait-on pas tirée plus tôt de l’anonymat ? Faute de moyens permettant de l’authentifier 8 , comment s’y prendre ? Une enquête ? Qui n’eût consisté qu’à faire répéter au petit-fils de l’inventeur ce qu’il avait attesté par écrit ? Parmi ces spécialistes, Davanne, d’un côté investi d’un énorme pouvoir d’arbitrage et voué à la prudence, de l’autre assez proche des Niépce, était un cas à part. Certes laconique dans sa conférence au Conservatoire, il n’en avait pas moins, alors même que se préparait 1. Ses premiers articles dans Bulletin de la Société Française de Photographie, en 1913, ne laissent aucun doute sur ce point. 2. Rappelons que jusqu’alors, la plus ancienne photographie connue était un daguerréotype réalisé par Daguerre en 1837, et conservé par la Société Française de Photographie. 3. A l’occasion de la première Exposition internationale de Photographie de 1892, le Figaro photographe donna cette très amusante caricature du « père Davanne » : « Davanne, photographe in partibus, pourrait à celui qui lui demanderait : que faites-vous ? répondre :“Je préside des réunions de photographes”, comme un financier de Correctionnelle répondit, à je ne sais plus qui lui demandant : “Votre profession ?” — Président de Conseils d’administration”. Il préside très bien, décorativement. C’est le vice-roi de la photo- graphie, on ne sait pas pourquoi, lui non plus. Il a la coquetterie malicieuse de le reconnaître. Il est le grand électeur, le distributeur des faveurs officielles, il est reçu chez les ministres qui lorsqu’on leur parle photo- graphie répondent Davanne. Il préside, naturellement, la Société Française de Photographie où se rassem- blent toutes les sommités graves du monde de la chambre noire [...] ». 4. On l’a vu, les deux mentions qui en furent faites dans le Bulletin de la Société Française de Photographie en 1891 et 1892, ne donnent aucun détail sur l’image elle-même. C’est bien grâce à la découverte de la conférence de Davanne que Potonniée put en parler. 5. Excepté en 1903, dans les circonstances que l’on sait, et que nous allons analyser. 6. V. paragr. B. 7. Rappelons avec quelle véhémence Isidore avait, dans sa brochure de 1841, revendiqué pour son père l’in- vention de la photographie. Pourquoi ne s’était-il pas prévalu de la table servie ? Pour une raison bien simple, on le verra, mais dont Davanne et ses pairs n’avaient alors pas la clé. Nous comprendrons que l’in- cunable embarrassa tout autant la famille Niépce que les historiens de la photographie, mais pour des rai- sons différentes. 8. Aucun écrit connu de Nicéphore n’en faisant état, tout reposait alors sur la seule tradition familiale. La preuve que cette image est bien de Nicéphore Niépce, ne viendra qu’en 1999, avec la publication de nos travaux.

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