Niépce correspondance et papiers

N IEPCE 1491 Par des mesures d’absorption, on montre qu’à 400 nm, la lumière est complètement absorbée sur une épaisseur de quelques microns avec un vernis réalisé à partir d’une solu- tion à 1,5 g de bitume pour 10 mL d’essence de lavande. La lumière étant complètement absorbée, on devrait être satisfait d’un tel système, pourtant cette situation est inadaptée à l’obtention de l’image. En effet, dans ces conditions, la zone située au contact du support reçoit très peu de lumière et ne s’insolubilise pratiquement pas, alors que celle située près de la surface reçoit le maximum d’intensité lumineuse et durcit complètement. Ce désé- quilibre dans la transformation du vernis aura des conséquences catastrophiques au moment du dépouillement du bitume. Dans le dissolvant, la zone au contact du support se dissoudra en entraînant le décollement du vernis durci en surface. On comprend qu’il est préférable de préparer un vernis suffisamment fin pour que la lumière le traverse entière- ment afin que la zone en contact avec le support soit bien réticulée pour y adhérer parfai- tement. La recommandation de Niépce est donc tout à fait valable. Bien évidemment la finesse du vernis n’est pas la seule condition, il faut aussi que la concentration de la solution de bitume soit suffisante pour absorber la lumière correctement. 3. P OUVOIR RÉFLÉCHISSANT DU SUPPORT . Niépce explique le 8 octobre 1824 que plus le support est blanc, plus le résultat est obtenu rapidement. Cette remarque est tout à fait juste. Détaillons l’effet d’un support réfléchissant sur la transformation du vernis. Toute la lumière n’étant pas absorbée pour les raisons énoncées ci-dessus, il s’ensuit que la fraction non absorbée qui traverse le ver- nis est réfléchie par le support et par conséquent traverse à nouveau le vernis pour y pro- voquer de nouvelles réactions de réticulation. Grâce au support réfléchissant, le vernis reçoit ainsi davantage de lumière, ce qui entraîne une diminution du temps de pose et une plus grande homogénéité de l’intensité lumineuse dans l’épaisseur du vernis, avec toute- fois une légère diminution, inévitable, en profondeur. De ce fait, le durcissement du bitume est lui aussi plus homogène, d’où une meilleure qualité du vernis au moment du dépouille- ment (risques pratiquement nuls de décollement). Toutes ces remarques ne font que traduire précisément ce que Niépce a constaté et déduit à force de pratique. Nous avons pu obtenir, grâce à ses indications, des images excellentes sans passer par les considérations que nous venons d’exposer. La compréhension de ces phéno- mènes permet toutefois d’optimiser le procédé et d’obtenir une bonne reproductibilité. 4. S OLUTIONS PRÉPARÉES AVEC DES BITUMES FRACTIONNÉS . Il est possible de séparer le bitume en différents constituants, suivant leur solubilité dans le n-pentane, l’isopentane, l’hexane, l’heptane et l’octane 1 . Pour tous ces alcanes, la fraction insoluble dénommée asphaltène est toujours d’environ 70 %. Des émulsions dans de l’essence de lavande, réalisées avec chacune des fractions solubles et insolubles de chaque alcane, ont servi à préparer différents vernis qui ont été ensuite exposés à la lumière. Les résultats ont permis d’expliquer le vieillissement observé de l’émulsion, de déterminer le meilleur rapport essence de lavande/bitume en poids, de comprendre l’ori- gine des variations de fluidité/viscosité qui définissent la qualité de l’enduction et partant, du film de bitume. 1. Speight James G., in A.C.S. t. 195 (1981), p. 12 : « The chemistry of asphaltene » ; et t. 217 (1988), p. 201 : « Evidence for the types of polynuclear aromatics systems nonvolatile fractions of petroleum ». App. XXV

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