Niépce correspondance et papiers

250 C ORRESPONDANCE ET PAPIERS terminé, c’est à dire le 22. juin 1 , il m’est survenu une fluxion aux yeux qui m’a duré six jours, et ce n’est que le huitième qu’il m’a été possible de travailler. Je vais te donner aujourd’hui, des détails circonstanciés sur les changemens considérables qu’il m’a fallu faire à la machine 2 . Elle étoit entièrement finie il y a environ trois mois, et son mécanisme quoique assez compliqué, alloit très bien. Il ne s’agissoit plus que de juger de l’effet 3 ; mais des expériences réitérées me mirent à portée de reconnoître que plusieurs obstacles presque insurmon ( tables ) s’opposeroient au succès de mon entreprise si je persistois à faire usage du lycopode 4 . Cette substance lancée par un trop petit soufflet se déployoit mal, et l’inflammation qui en résultoit dilatoit fort peu l’air. Le manque [...] 5 d’espace ne me per- mettoit pas d’employer comme toi, un cylindre pour la projection du combustible ; ainsi cette seule difficulté devoit me faire échouer. Cependant, comme je l’avois pressentie, j’avois donné au soufflet une capacité proportionnée à celle du réservoir, et je l’avois armé d’un ressort très fort. Si l’effet n’a pas répondu à mon attente, c’est probablement parceque la combustion s’opère moins bien dans les petits vaisseaux* que dans les grands 6 . Ne pou- vant faire usage du cylindre de projection, je ne pouvois par conséquent employer le moyen 1. Ce petit bateau était destiné à recevoir « la machine » dont il est question plus loin. 2. Il s’agissait d’un moteur que les frères Niépce baptiseront « pyréolophore » (v.185).Le principe en était « l’air dilaté par le feu ». Privés de documents antérieurs à celui-ci, nous n’avons fait qu’évoquer cet engin, sachant seulement que les deux frères en « conçurent la première idée » à Nice, dès les années 1795. Quant à son application, on verra par cette lettre que l’idée de propulser un bateau par réaction directe (à l’aide d’une tuyère) n’était pas inhérente à l’invention proprement dite, qu’elle était même plutôt récente. Entre 1806 et 1828, année de la mort de Claude, quantité de lettres et papiers traiteront de cette invention. Nous aurons donc souvent l’occasion d’y revenir en détail. 3. L’énergie développée. En 1806, les Niépce la mesureront au banc, par un appareil composé d’un poids adapté à la sortie de la tuyère. 4. Contexte oblige, nous empruntons les lignes qui suivent au Grand Dictionnaire Larousse du XIX e Siècle . « Du grec lukos, loup ; pous, podos, pied. Genre de plantes cryptogames, type de la famille des lycopodiacées [...]. Les lycopodes sont des plantes rameuses, rampantes, dépassant rarement 0m,50 de hauteur [...]. Le genre lycopode comporte de très nombreuses espèces habitant surtout les pays chauds ; douze de ces espèces seulement croissent spontanément en Europe [...]. Le lycopode en massue est le plus commun ; on le trouve aux environs de Paris. C’est aussi celui dont on a tiré le plus grand parti, en Allemagne et en Suisse, notam- ment, où il croît en abondance, à l’ombre des forêts. Sa tige est longue, rampante et très ramifiée. Ses fleurs sont en petits épis cylindriques, composés de capsules réniformes renfermant une poussière particulière. Cette poudre, connue sous le nom de lycopode , ou encore plus communément sous ceux de soufre végé- tal, poudre de vieux bois, poudre pour les enfants qui se coupent, est l’objet d’un certain commerce [...]. Le lycopode est employé en médecine pour divers usages : on l’administre sous forme de décocté comme diu- rétique antirhumatismal, antiépileptique et antidiarrhéique ; mais on s’en sert surtout comme topique des- sicatif pour empêcher les gerçures de la peau de se produire chez les enfants gras, pour saupoudrer le lits des malades que le frottement trop prolongé des draps tend à écorcher. Cette poudre très mobile possède, en effet, la propriété de diminuer beaucoup le frottement des corps entre lesquels elle est interposée ; aussi en fait-on usage en pharmacie pour rouler les pilules et les empêcher d’adhérer entre elles. Enfin, les artifi- ciers emploient le lycopode pour faire des flammes très brillantes qui ne durent qu’un temps très court, par exemple pour simuler les éclairs dans les théâtres ; il prend feu instantanément, comme du coton-poudre, lorsqu’on le projette sur une flamme. Sa valeur commerciale porte souvent les industriels à le falsifier [...] ». En 1925, sur la demande de l’ingénieur de l’Aéronautique Pierre Clerget, le Laboratoire de Chimie du Service technique de l’Aéronautique déterminera avec précision le pouvoir calorifique du lycopode (v. App. XV). 5. Mot biffé illisible 6. Dans sa forme, le moteur était apparemment très semblable à ce qu’il sera trois ans plus tard (v.185).Le pro- blème que rencontrait Nicéphore était le suivant. Effectuée par un trop petit soufflet, l’injection du com- bustible se faisait mal ; l’allumage et la combustion s’en ressentaient ; finalement l’air,médiocrement « dilaté par le feu » dans la chambre prévue à cet effet, jouait mal son rôle moteur. 1795 180490 Du début du Directoire jusqu’à la fin du Consulat

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