Niépce correspondance et papiers

34 C ORRESPONDANCE ET PAPIERS 24 Lettre (A.S.R.) 1 Angers, 19 janvier 1788. Joseph à sa mère. A Angers le 19 janvier 1788. .Ma très chère mère, .Il y a bien longtems que je n’avois eprouvé une emotion aussi vive, aussi délicieuse que celle que j’ai éprouvée dernierement, vous savez ce dont je veux parler : on aime à se rappeller et à communiquer ( les sentimens ) qui ont occupé si agréablement le cœur. Lorsque nous vîmes mon frere 2 nous en crûmes à peine nos yeux ; il nous avoit mandé cependant à peu près l’époque de son arrivée à Angers, il nous avoit ecrit que vous lui aviez permis de partir 3 , qu’il avoit touché l’argent de son voyage, qu’il s’ennuyoit beaucoup à Paris, et qui plus est que le terme de son loyer étoit expiré 4 . Toutes ces raisons étoient plus que sufisantes pour nous faire ésperer la promptitude de son départ ; mais helas ! l’in- quiétude et la crainte sont toujours en raison // de la vivacité de nos desirs. Enfin, ma très chère mere, nos vœux sont exaucés. Nous voilà réunis ; et cette réunion contribuera autant à notre bonheur qu’au vôtre, puisque par une communication réciproque d’idées et de moyens nous péserons de sang-froid nos vrais intérêts et nous donerons de la stabilité à nos dernieres résolutions 5 . .Vous nous mandez, ma très chère mère, de répondre aux differens articles de vos lettres 6 ; je vais donc avoir l’honneur de répondre à celui ci de votre derniere ; le mot de l’enigme n’est pas difficile à deviner. Je commencerai par avouer que tous les etats de la vie son honorables, puisqu’ils concourent tous au bien de la societé, mais l’opinion y met des differences, et l’opinion à bien des egards est respectable. Mes occupations se reduisent à ceci vivre avec des enfans, et pendant l’etude et pendant la recreation. Jusqu’ici ont ne peut eprouver que de l’ennui, mais à la fin de l’année, tems le plus accablant et le plus critique on a à essuyer bien de fatigues. La pension n’est certainement pas à beaucoup près une employ méprisable, mais dans l’Oratoire il existe des prejugés comme ailleurs, c’est d’après ces prejugés que j’ai porté un jugement. // Au reste, ma très chère mere, je serai content de mes fonctions, pourvu que je m’en acquite avec succès ; les procédés du Conseil à mon egard me penetrent de reconnoissance, je ne les oublierai jamais 7 . Mon frere 8 a reçu ( lu ) la lettre que vous avez bien voulu m’envo ( ï ) er avec les autres, qui il a été affecte de la maniere la plus sensible, il aura l’honneur de repondre à votre réponse 9 prochaine. Si les prieres d’un frere peuvent toucher un cœur tendre, vous pardonnerez sans peine, ma très 1. Publ. in U (doc. 2). 2. Claude, sans aucun doute possible. 3. Quelques indices autorisent à penser que Madame Niépce jouissait d’une forte autorité et qu’elle s’enten- dait bien aux affaires (v. 143). 4. Que faisait Claude à Paris, depuis combien de temps s’y trouvait-il, où résidait-il ? Avant l’Empire, ses traces sont peu nombreuses. Sans lien apparent, elles suscitent autant d’interrogations. 5. Ces précisions donnent à penser que lorsqu’il s’agissait d’affronter leur mère sur un sujet aussi grave que celui de leur avenir, les frères Niépce estimaient ne pas être trop de trois. 6. Documents inconnus 7. En le maintenant à Angers, le Conseil de l’Oratoire avait exprimé sa « crainte de séparer deux cœurs unis par les liens d’une amitié tendre et sans bornes » (v. 22). 8. Bernard ? 9. Dans l’imbroglio des lettres et réponses auxquelles Nicéphore et Bernard (v. 25) faisaient allusion, il est dif- ficile de situer précisément les trois documents qui nous sont parvenus. 1761 1792 Du règne de Louis XV jusqu’à la chute de la monarchie

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