Niépce correspondance et papiers
376 C ORRESPONDANCE ET PAPIERS de la plus vive reconnoissance pour l’insigne faveur que lui accordoit le dieu protecteur des souverains légitimes, il s’écria : ah ! c’est ici le jour qu’a fait le Seigneur ; rejouissons nous y donc et soyons pleins d’allégrèsse. Hoc dies &c. Il n’en est sans doute aucun de vous, Messieurs, qui ne saisisse ici l’allusion, et qui ne s’emprêsse de me prevenir 1 par ces paroles consolantes : oui c’est dans ce jour dont nous celebrons la mémoire que le Seigneur nous a rendu le meilleur et le plus cheri des monarques ; que nos cœurs soient donc remplis de la plus vive allégresse. Exultamus et lae- tamus in ea. Mais que cette expression seroit faible, qu’elle seroit insignifiante si, echappée de nos levres, elle n’etoit point celle de nos sentimens ! Ah ! loin de moi une idée aussi accablan- te. Loin de moi la pensée qu’il y eut encor un Français assez ennemi de ses propres inté- rêts pour refuser de convenir que ses destinées sont irrevocablement liées à celles d’un monarque dont les droits ne peuvent etre impunément contestés. Comme j’ai l’honneur de parler devant une assemblée chretienne, je la prierai d’abord de remonter avec moi jusqu’aux premieres années du christianisme, jusqu’à cette epoque ou les princes abusoient sans mesure de leur pouvoir pour persecuter l’Eglise naissante. Vit on alors les disciples d’un dieu humble et soumis rien entreprendre contre les chefs de l’état ? Ceux ci mettoient tout en usage pour faire perdre jusqu’au souvenir du nom chre- tien : et cependant au milieu des plus sanglantes persecutions, les chretiens ne manquaient ni à l’obéissance, ni au respect qu’ils croyaient devoir aux souverains. Sous la verge même des bourreaux au même instant ou ils leur fesoient endurer les plus cruels tourmens, sem- blables à l’innocent agneau // qu’on immolle, ils conservoient cette douceur dont Jesus Christ leur avoit donné l’exemple ; et ils n’opposaient à la fureur de ces tygres farouches que la bonté et l’egalité d’ame qu’il leur avoit laissé en partage. Conduite merveilleuse sans doute qui prouve l’influence de la religion chretienne sur le bonheur et la tranquilité des etats. Pendant plus de trois siecles que ces persecutions durerent, dans un temps ou le nombre des chrétiens augmentait de jour en jour, dans un temps enfin ou les monarques chancelloient sur leur trône du haut duquel ils etoient souvent précipités, il ne se trouva pas un seul chretien qui pensa qu’il lui fut permis d’agir contre l’autorité suprême. Telle fut, Messieurs, la conduite des premiers fideles sous le gouvernement des princes payens, sous le regne d’un Caligula, de ce monstre qui formait l’horrible vœu que le peuple romain n’eût qu’une tête pour se repaître du barbare plaisir de la trancher d’un seul coup. Quels motifs pouvoient-ils donc avoir pour rester ainsi attachés à ces princes ? Etoit ce à cause de leurs qualités personelles ? Mais nous avons vu qu’ils etoient payens, impies, corrompus, et de plus ennemis declarés de la religion chretienne. Dira-t-on que les chretiens n’étoient pas unis entre eux ? Eh, depuis l’etablissement du christianisme il n’avoient qu’un cœur et qu’une ame. Ou bien manquoient-ils de courage ? eux qui ne crai- gnoient ni les supplices, ni la mort, et que leur inebranlable fermeté avoit fait surnommer hommes de bronze. La religion chretienne etoit donc seule capable de retenir dans l’obeissance une masse si considerable d’hommes qui par leur union, leur force et leur courage pouvoient facile- ment secouer le joug de la tyrannie qu’on faisoit si cruellement peser sur eux. C’étoit donc par devoir et non par foiblesse, par esprit de religion et non par crainte qu’ils demeuroient fideles aux princes auxquels Dieu les avoit soumis. Ils savoient distinguer ce qu’ils 1. Ici devancer. 1815 1824 1 8 De la seconde Restauration jusqu’à la naissance de la photographie
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