Niépce correspondance et papiers
378 C ORRESPONDANCE ET PAPIERS Elles nous dirons que bien loin de repondre à leurs esperances, ces crises poliques ( politiques ) n’ont obtenu d’autres succès que de tout renverser, de tout perdre, et de reduire les agitateurs sous un joug infiniment plus accablant que celui dont ils avoient voulu s’affranchir. Oui, Messieurs, l’insubordination est toujours dirigée par un esprit de vertige et de délire qui perd tous ceux qu’il tient en sa puissance. Aveuglés par l’ambition ils ne savent ce qu’ils disent. Il se manifeste autant d’opinions qu’il y a de personnes. Il se forme autant de factions que l’on compte d’ambitieux : parce que des hommes sans principes sont tou- jours prêts à se jetter dans le parti ou ils esperent trouver le plus d’avantages. Au milieu de cet affreux cahos, tout se confond. Les citoyens s’arment contre les citoyens. On pille, on egorge, on dé[chire] jusqu’à ce qu’enfin tous les partis etant fatigués des horribles excès auxquels ils se sont livrés dans leur aveugle fureur, l’etat succombe et est subjugué 1 . Et n’est ce pas le spectacle qu’offrit dans ces derniers temps notre infortunée patrie ? Ce royaume dont la splendeur et l’eclat fesoient dire au grand Frederic que le plus beau songe qui put charmer le someil d’un roi, etoit de se croire assis sur le trône de France. Ce royaume, dis je, avoit deja plusieurs fois senti les maux qu’attire infailliblement la revolte d’un peuple. Helas ! il etoit reservé à notre siecle d’en donner un exemple infiniment plus terrible que tous ceux que l’Histoire nous fournit. Quelques abus inseparables d’une gran- de monarchie s’etoient glissés dans les differentes administrations de l’Etat. Louis seize eut seul été capable de les reformer. Mais ce prince l’ami du peuple, de l’humanité et de la vertu ; ce prince, le pere de ses sujets, rassemble, d’apres le conseil de quelques perfides ministres, tous les etats de son royaume, et comme un bon pere environné de ses enfans il les consulte sur les moyens de rendre son peuple heureux. Qu’arriva t il ? Des hommes qui n’attendoient que le moment de satisfaire leur ambition abusent de la bonté du souverain pour atteindre leur but. Ils foulent aux pieds le serment qu’ils avoient fait de soutenir les droits sacrés du monarque et de la monarchie. Ils osent , le drois je ? dirois je, sans fremir d’horreur ?... ils osent porter leurs mains sacrileges sur le meilleur des roix, et ne les reti- rer que degoutantes du sang de leur auguste victime..... Grand Dieu ! Qu’elles seront les suites de cet execrable attentat ? .. A peine le sang du juste a t il coulé que la terre qui en a été abreuvée devient un // un théatre d’horreur sur lequel se succedent les scênes les plus tragiques. Le Seigneur qui se plaisoit à y repandre le thrésor de ses graces ne la regarde plus que comme une terre de malediction. Il verse sur ses coupables habitans la coupe de sa fureur. Il les livre à toutes les horreurs d’une guerre etrangere et intestine. Partout on ne voit que du sang, on ne [respire] que carnage, et des monceaux de cadavres forment les degrés du trône ou les regicides viennent s’asseoir. Les factions s[...], s’agitent, se heurtent, se déchirent ; et dans leurs luttes sanglantes les echafauds, quelque multipliés qu’ils soient, ne peuvent suffire aux victimes qu’on immolle. En vain on essaie sur cette malheureuse nation toutes les formes de gouverne- ment ; elles ne trouve de repos dans aucune. Epuisée, avilie elle ne peut plus pré[...] la fin de ses malheurs. Et pour y mettre le comble, elle rassemble le peu de force qui lui reste pour venir se courber sous la verge dont le Tout Puissant devoit se servir pour consommer sa vengeance O mon Dieu ! Ne sommes nous pas assez punis ? Votre justice n’est elle pas satisfai- te ? Et cette verge que vous avez jettée au feu renaitroit elle encore de ces cendres ? Ah ! Nous avons l’humble confiance que nous touchons au terme de nos longues calamités. 1. Ici soumis. 1815 1824 1 8 De la seconde Restauration jusqu’à la naissance de la photographie
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