Niépce correspondance et papiers
N IEPCE 393 l’autre de la boîte dont je t’ai parlé qui tient le milieu entre le baguier et la grande boîte. Pour mieux juger de l’effet, il faut se placer un peu dans l’ombre ( il faut placer la gravure sur un corps opaque et se mettre contre le jour. Cette espèce de gravure s’altérerait je crois à la longue quoique garantie du contact de la lumière, par la réaction de l’acide nitrique qui n’est pas neutralisé 1 . Je crains aussi qu’elle ne soit endommagée par les secousses de la voi- ture 2 ./. ) . Ceci n’est encore qu’un essai ; mais si les effets étaient un peu mieux sentis (.ceque j’espère obtenir.) et surtout si l’ordre des teintes était interverti, je crois que l’illu- sion serait complette. Ces deux gravures ont été faites dans la chambre où je travaille, et le champ n’a de grandeur que la largeur de la croisée. J’ai lu dans l’abbé Nollet 3 que pour pou- voir représenter un plus grand nombre d’objets éloignés, il faut des lentilles d’un plus grand foyer, et mettre un verre de plus au tuyau qui porte l’objectif 4 . Si tu veux conserver ces deux rétines 5 , quoique elles n’en valent guère la peine, tu n’as qu’à les laisser dans le papier gris et placer le tout dans un livre. Je vais m’occuper de 3 choses : 1°. de donner plus de netteté à la représentation des objets ; 2°. de transposer les couleurs ; 3°. et enfin de les fixer, cequi ne sera pas le plus aisé 6 ; mais comme tu le dis fort bien, mon cher ami, nous ne manquons pas de patience, et avec de la patience on vient à bout de tout. Si je suis assez heureux pour perfectionner le procédé en question je ne manquerai pas de t’adresser de nouveaux echantillons pour répondre au vif intérèt que tu veux bien prendre à une chose qui pourrait être utile aux arts 7 , et dont nous pourrions tirer bon parti. .Il parait, d’après les sages précautions que tu as prises, mon cher ami, que l’impor- tante expérience de l’inflammation du charbon de pierre, ne peut guère manquer d’avoir un heureux résultat : nous le souhaitons de tout notre cœur, et nous attendons l’agréable nouvelle avec beaucoup d’impatience. Le succès de cette expérience fixera l’opinion des connaisseurs sur le mérite de notre découverte, et nous facilitera certainement les moyens de la faire valoir ; car c’est là le point capital, mais aussi il faut en convenir, la partie de la besogne la plus embarrassante comme la plus difficile, et nous devons être d’autant plus 1. Cette phrase a généralement été interprétée dans le mauvais sens quand on a voulu y voir l’utilisation de l’acide nitrique comme fixateur. L’erreur est essentiellement due à un défaut de transcription résidant dans l’omission de la virgule (v. J.L.M. p. 568). Il faut comprendre que l’image reçue par Claude contient de l’acide nitrique provenant certainement de la préparation (v. J.L.M. p. 93). Loin de penser qu’il puisse agir comme stabilisant, Nicéphore craint, avec raison, que cet acide n’altère lentement cette image même si on la conserve dans l’obscurité, seul moyen pour qu’il n’y ait pas contact avec la lumière. 2. Le chlorure d’argent tel que le prépare Nicéphore adhère peu sur le papier. Il est donc à craindre qu’il ne se détache lors des frottements occasionnés par les secousses pendant le voyage. 3. L’abbé Jean-Antoine Nollet (1700-1770), physicien. Entre autres travaux, il publia : Leçons de Physique Expérimentales (1743) réédité plusieurs fois, L’art des expériences. Avis aux amateurs de la Physique (1770), deux ouvrages que Nicéphore Niépce consulta au sujet de la chambre obscure. 4. Nous lirons dans de prochaines lettres la description faite par Niépce des vues qu’il capte.Ces vues balayent en fait un angle très large où dans le lointain, seules les grandes masses apparaissent. Une lentille ayant un plus grand foyer permet d’obtenir la même image dans un format plus grand.Ainsi il devient possible d’ob- server les objets éloignés et donc d’en reproduire davantage sur le papier sensible. L’inventeur associe tou- jours les lentilles de plus grand foyer à la réalisation d’images de plus grand format. On retrouvera la même idée lors d’un échange avec l’opticien Chevalier le 18 décembre 1828 (v. 482). 5. Nicéphore poursuit ici la comparaison de ses chambres obscures avec l’œil. L’appellation « rétine » pour désigner les images qu’il obtient est une transposition de l’expression employée par l’abbé Nollet dans son explication de « l’œil artificiel ».Pour Nollet, « rétine » désigne un papier huilé sur lequel est projetée l’image transmise par la lentille figurant le cristallin. 6. Ce troisième point confirme que l’acide nitrique évoqué plus haut n’était pas considéré par Nicéphore comme un moyen de fixage et que le problème reste encore entier. 7. Et non à l’art. Nous ne saurions insister assez sur ce point (v. 105n). 249 1815 1824 1 8
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