Niépce correspondance et papiers

N IEPCE 401 par les croisées dont on apperçoit les croisillons : les vitres même paraissent transparentes en certains endroits. Enfin le papier retient exactement l’empreinte de l’image colorée ; et si l’on n’apperçoit pas tout distinctement, c’est que l’image de l’objet représenté étant très petite, cet objet parait tel qu’il serait s’il était vu de loin. D’après cela, il faudrait comme je te l’ai dit, 2 verres à l’objectif pour peindre convenablement les objets éloignés et en réunir un plus grand nombre sur la rétine ; mais ceci est une affaire à part. La voliere étant pein- te renversée, la grange ou plutôt le toît de la grange est à gauche au lieu d’être à droite. Cette masse blanche qui est à droite de la voliere audessus de la claire voie qu’on ne voit que confusément, mais telle qu’elle est peinte sur le papier par la réflexion de l’image ; c’est le poirier de beurés blancs qui se trouve beaucoup plus eloigné ; et cette tache noire au haut de la cime, c’est un éclairci qu’on apperçoit entre les branches. Cette ombre à droite indique le toît du four qui parait plus bas qu’il ne doit être, parceque les boîtes sont placées à 5 piés environ au dessus du plancher 1 . Enfin, mon cher ami, ces petits traits blancs marqués au dessus du toît de la grange, ce sont quelques branches d’arbres du verger qu’on entrevoit et qui sont représentées sur la rétine 2 . L’effet serait bien plus frappant si, comme je te l’ai dit ou plutôt comme je n’ai pas besoin de te le dire, l’ordre des ombres et des jours pouvait être interverti ; c’est là ce dont je vais m’occuper avant de tâcher de fixer les couleurs 3 , et ça n’est pas facile. Jusqu’à présent je n’ai peint que la voliere afin de pouvoir comparer entre elles les épreuves 4 . Tu trouveras une des deux grandes et des deux petites moins colorées que les 2 autres quoique les contours des objets soient très bien marqués ; ceci provient de ceque j’avais trop rétréci l’ouverture du carton qui couvre l’objectif 5 . Il paraît qu’il y a des proportions dont on ne peut pas trop s’écarter, et je n’ai peut être pas encore trouvé la meilleure. Lorsque l’objectif est à nud l’épreuve qu’on obtient parait estompée, et le // spectre coloré a cette apparence là, parceque les contours des objets sont peu prononcés et semblent en quelque sorte se perdre dans le vague 6 . Je souhaite, sans cependant trop l’es- pérer, que ces epreuves te parviennent en bon état, pour que tu sois, mon cher ami, plus à portée de juger de l’amélioration que j’ai cru obtenir./. Nous attendons toujours avec bien de l’empressement, le résultat de ton intéressante expérience sur l’inflammation du char- bon de pierre./. Nous n’avons pas eu le plaisir de recevoir la visite de M me & M r Barrat : il faut qu’il soient passés de nuit ou qu’ils aient pris une autre route, à moins toute fois que leur départ n’ait été différé./. Fais-nous savoir, si tu le veux bien, ceque tu dois d’années de gages à Bourjon, à la fille de basse-cour 7 , et à Baptiste, afin que nous puissions nous mettre en mesure de leur payer ainsi qu’aux autres tout l’arriéré qui leur est dû ; car il n’y a pas bien loin d’ici à la S t Jean ou à la S t Pierre./. Si le beau tems continue on pourra avant cette époque couper les navettes. Nous te prions en conséquence, mon cher ami, de nous man- 1. Soit environ 1,62 m. Les « boîtes » étaient les chambres obscures, la grande et la petite. 2. Ces lignes constituent la première description connue d’un négatif photographique. 3. Par « couleurs », Nicéphore entendait les nuances du noir au blanc. 4. Fidèle à ce principe, Nicéphore reproduira encore souvent le point de vue décrit ci-dessus. 5. Le diaphragme est davantage fermé, il entre moins de lumière dans la chambre et les négatifs sont plus pâles. 6. Ces phénomènes sont dus à l’aberration de réfrangibilité ou aberration chromatique. Avec une lentille simple, les différentes longueurs d’onde, c’est à dire les différentes couleurs, ne sont pas toutes focalisées à la même distance. Sur le papier elles ne sont donc pas projetées au même endroit. Si l’on observe attenti- vement l’image projetée on s’aperçoit de ce décalage qui se traduit par un contour irisé (« le spectre irisé ») des objets comme le décrit Niépce. 7. Babet ? 252 1815 1824 1 8

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