Niépce correspondance et papiers
N IEPCE 405 M r . de Jouffroi, s’il faut s’en rapporter à quelques journaux, va se trouver embarqué dans un procès avec les entrepreneurs à vapeur 1 , tandis qu’il éviterait toute discussion de ce genre en adoptant notre principe moteur. Tu sais, mon cher ami, ceque nous t’avons déjà dit là dessus 2 ; et comme tu as la bonté de t’en rapporter à nous pour cequi te concerne, nous te laissons de même carte blanche sur tout cequi est relatif à nos intérêts communs. Si M r . le Marquis de Jouffroi se décide à traiter avec nous, comme nous devons le desirer, et comme il nous est permis de l’espérer ; il conviendra je pense de passer une espèce d’acte, où tu voudras bien stipuler nos intérèts de maniere que nous ne puissions être ni compromis ni inquiétés par la suite ; et avant tout, tu ne manqueras pas sans doute, de prendre des informations exactes sur la moralité de ce monsieur dont nous n’avons guère entendu parler que dans les journaux. Si nous faisions bien nous pourrions peut être, comme je crois te l’avoir déjà dit, // mon cher ami, nous borner à fournir pour toute action, notre découverte avec les perfectionnemens dont elle paraitra susceptible. Notre quote-part ne serait pas la moins considérable ; mais de cette maniere, n’étant tenus à aucune avance de fonds, notre fortune se trouverait parfaitement à couvert. Au reste, tu auras déjà fait toi- même plus d’une fois ces réflexions, et nous nous en rapportons entierement à ceque tu jugeras le plus convenable d’après les circonstances. Je ne suis revenu là dessus que parce- qu’il faut à Paris plus que partout ailleurs, ne pas perdre de vue le fameux adage. Deux sur dix, si l’on ne veut point être pris au jeu fort à la mode du pié de cochon. .Je présume que tu auras reçu hier, mon cher ami, ma lettre du 28 mai, laquelle conte- nait 4 nouvelles épreuves qui m’ont paru plus correctes que les précédentes. Je suis on ne peut plus sensible aux choses honnêtes que tu veux bien me dire à ce sujet, et quoique je sois loin de les mériter, elles n’en sont pas moins pour moi, un grand motif d’encourage- ment. Si je parvenais à fixer la couleur et à changer la disposition des jours et des ombres, le procédé que j’emploie maintenant, serait je pense le meilleur ; car il est impossible de trouver une substance qui soit plus susceptible de retenir les moindres impressions de la lumiere. L’enduit de la voliere du côté de la basse cour, est d’une couleur rembrunie ; mais au dessus de la porte et jusqu’à celle du tec-à-pourceau 3 , il y a une plaque blanche qui se trouve marquée très distinctement en noir sur la gravure. Quoique j’aie encore beaucoup à faire avant d’atteindre le but, c’est déjà quelque chose. J’ai bien essayé de graver sur le métal à l’aide de certains acides ; mais jusqu’ici je n’ai rien obtenu de satisfaisant ; le flui- de lumineux ne parait ( pas ) modifier d’une maniere sensible l’action des acides 4 . Cepen- dant mon intention n’est pas d’en rester là, parceque ce genre de gravure serait bien supé- 1. En 1816, Jouffroy prit un brevet (le dossier conservé à l’I.N.P.I. comprend notamment 16 pages de texte et 4 dessins: « plan et profil du bateau à vapeur exécuté par M. le marquis de Jouffroy à Lyon en 1783 », ainsi que des « certificats d’addition au brevet »). « Son invention étant ainsi officiellement reconnue, Jouffroy d’Abbans fit construire dans les ateliers du Petit Bercy un nouveau bateau,le“Charles-Philippe”,dont le comte d’Artois accepta d’être le parrain [la mise à l’eau se fit le 20 août 1816 pendant les fêtes qui suivirent le mariage du duc de Berry].Le succès semblait, enfin, favoriser Claude de Jouffroy, mais il n’en fut rien.En effet, pendant sa longue absence sous la Révolution et l’Empire,Fulton avait,dès 1803,perfectionné son invention, en développant rapidement les applications pratiques » (E.J.A.). « La compagnie Jouffroy avait déjà une concurrence d’importateurs à subir, celle de la société Pajol et compagnie fut fatale à toutes deux » (B.U.). 2. V. 247. 3. Ou tect*. Fouque a transcrit tecq (V.F. p. 72). 4. Nicéphore envisage d’obtenir des images gravées dans un métal. Il imagine y étendre un acide et espère que la lumière de l’image projetée décomposera plus ou moins cet acide. Dans ce cas, il devrait s’ensuivre une variation de la force de l’acide qui graverait plus ou moins le métal suivant l’intensité de lumière reçue. Niépce exprimera clairement ce principe dans une prochaine lettre (v. 254). C’est la première fois au monde 253 1815 1824 1 8
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