Niépce correspondance et papiers
N IEPCE 407 254 Lettre (M.N.N.) 1 Chalon-sur-Saône, 16 juin 1816. Nicéphore à Claude. .Châlon sur Saône, le 16 juin 1816. (.Dimanche). .Mon cher ami, .Nous sommes arrivés ici hier au soir, pour t’expédier le soufflet quarré que tu as demandé. Il est enfermé dans une caisse de sapin faite par Baptiste ; et comme il restait un peu de vide ma femme l’a rempli avec des poires tapées 2 qui te feront sans doute plaisir. Cette caisse partira sans faute, par la diligence de mardi ; mais j’espère qu’elle n’arrivera pas avant ma lettre qui sera mise demain soir à la poste. J’ai écrit ton adrèsse sur un des côtés de la boîte, et sur une carte fixée au milieu du couvercle. J’aurais bien voulu t’envoyer le tuyau de fer blanc que j’avais fait faire, mais je l’ai cherché partout sans pouvoir le trouver. J’ai reçu, mon cher ami, ta lettre du 7 en réponse à la mienne du 28 mai 3 . Les choses trop obligeantes pour moi, et les détails intéressans qu’elle contient nous ont causé le plus grand plaisir. Ton suffrage est bien propre à m’encourager dans une entreprise dont l’idée nous est commune 4 et dont le succès sous ce rapport surtout me satisferait bien d’avantage encore ; mais, quoique les difficultés ne me rebutent point, grace à Dieu ; cependant, je ne me fais pas du tout illu- sion sur l’imperfection de mes premiers essais 5 , ni sur les améliorations que je desire obtenir. Depuis quelques jours je me suis beaucoup moins occupé de tirer 6 de nouvelles épreuves d’après le même procédé, cequi aurait été fort inutile, que de tâcher de fixer l’image d’une maniere solide, et de placer les ombres et les clairs dans leur ordre naturel 7 . J’ai fait là dessus quelques essais que je compte répéter, parcequ’ils me laissent entrevoir la possibilité de réus- sir. L’idée que tu veux bien me suggerer, mon cher ami, pour atteindre ce double but, est très ingénieuse, et elle m’était également venue à l’esprit parcequ’elle se trouvait au nombre des combinaisons que je pouvais faire ; mais jusqu’ici l’expérience m’a appris qu’une substance que la lumiere peut décolorer facilement, n’offre pas à beaucoup près les mêmes résultats qu’une substance qui a la propriété d’absorber la lumiere 8 . J’avais lu qu’une solution alcoo- 1. Publ. in P.G.H.1. (p. 36). Fouque n’en avait publié que la moitié environ. 2. « Outre les poires que l’on mange fraîches,on en prépare aussi que l’on conserve desséchées,on les nomme poires tapées » (C.Br. p. 454). 3. Document inconnu. 4. Nous avons déjà mis l’accent sur cet aspect oublié de la genèse de l’invention de la photographie (v. 139n). 5. L’absence totale, sous la plume de Nicéphore, de comparaison avec les travaux qui auraient été réalisés à Cagliari, laisse penser que dans la phrase : « tu as eu comme moi, la première idée de cette découverte à laquelle nous avons travaillé ensemble à Cagliari » (v. 384), le travail en question n’a pas consisté en expé- riences dans la chambre obscure. « L’imperfection de mes premiers essais » atteste à nouveau du caractère récent des recherches de Nicéphore dans ce domaine. 6. Terme emprunté à l’imprimerie : « tirer une estampe ». Mais Nicéphore n’emploie pas de matrice pour exé- cuter ses tirages. Le verbe tirer désigne l’ensemble des actes qui permettent d’obtenir l’image sur le papier. Il remplace le verbe peindre que Niépce avait employé jusque là dans le même sens. Notons que ce terme est utilisé ici pour la première fois en matière de photographie et qu’il fait maintenant parti du vocabulaire spécifique du photographe. 7. Niépce obtient toujours des images négatives qui ne sont pas fixées. 8. L’idée nouvelle est déduite des résultats précédents. Comme Niépce a constaté qu’une substance incolore qui noircit à la lumière donne une image négative, il décide d’employer des composés qui se décolorent à la lumière afin d’obtenir un positif. 254 1815 1824 1 8
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