Niépce correspondance et papiers

N IEPCE 51 reconnaissance qu’elle doit aux instituteurs libres, qui se dévouent aux pénibles soins de l’éducation. Un autre mérite, moins utile sans doute, mais qui n’a pas causé une sensation moins agréable, a été l’art singulier avec lequel l’auteur a su se rapprocher, en quelque sorte sans digression, de tout ce qui peut exciter dans les circonstances le plus vif intérêt. L’Exercice fini et une chanson analogue à la fête chantée, M. de Houlières, président de ce Comité, est monté sur le théâtre pour distribuer les couronnes et les prix dont sa compagnie avait, à ses propres frais, aumenté de beaucoup la valeur. La musique qui déjà avait fait l’agrément des entr’actes, s’est fait entendre avec cette expression qui annonce un moment de transport. Un écolier a paru, porteur des billets sur lesquels les noms des vainqueurs étaient inscrits. Le premier qui l’a frappé, a été le sien. La joie ne lui a pas permis de finir. Eh ! qui ne la partageait, cette joie ? Qui n’éprouvait dans cet instant tout ce que peut sur un jeune cœur l’amour de la gloire, l’ivresse du succès, les applau- dissements d’une assemblée nombreuse et choisie ? Sentiments précieux, puissiez-vous faire pour toujours la base de l’éducation française ! Puissiez-vous ne jamais vous éteindre ! On cherchera à vous substituer les froids calculs de la raison politique et de l’intérêt. Malheur à nous, s’ils triomphent. Eh ! qui ne devrait savoir que la raison, dénuée du sentiment, n’est que l’égoïsme, et que l’égoïsme est le fléau le plus destructeur de l’ordre social ? L’assemblée dut regretter de ne pouvoir entendre les paroles de félicitations que M. de Houlières adressait à chacun des écoliers qu’il couronnait. Mais elles se peignaient en quelque sorte dans sa physionomie. La bonté, la douceur, la sensibilité, qui en font le caractère habituel, semblaient avoir reçu des circonstances une nouvelle vie et une nou- velle expression. « Enfants de la patrie, leur disait-il sans doute, c’est pour elle désormais que vous allez exister. C’est à sa gloire que vous devez consacrer vos talents, et vers sa prospérité que doivent se diriger vos vertus. Que ce jour, où elle vous couronne, reste éternellement gravé dans vos cœurs pour y appeler les remords, si vous vous écartez jamais de la route qu’elle vous trace ; ou faire le charme de votre exisence, si ces premiers efforts ne sont que le présage de ceux que vous vous promettez ». De pareilles leçons sont bien puissantes, données par un citoyen qui en offre le mo- dèle. Aussi était-il aisé de voir l’impression qu’elles faisaient sur ceux qui les entendaient. Leur émotion ne se manifestait que par des larmes. Mais que ce langage est éloquent, quand c’est le sentiment et non la faiblesse qui l’inspire ! Je ne sais si je me trompe, mais je crois que ce jour sera l’époque d’une régénération dans l’éducation angevine, qu’on verra désormais le collège de la capitale plus fréquenté, la confiance dans des instituteurs subalternes moins aveugle, et le zèle de ceux qui nous ins- truisent avec tant de désintéressement, mieux connu. Il y avait longtemps qu’elle était dési- rée cette régénération. Et à qui en aurons-nous été redevables ? aux citoyens sur la vigi- lence desquels reposent notre tranquillité et notre honneur. 38 1761 1792

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